La récente poussée du secteur de l’énergie sur les marchés est favorable au désinvestissement des placements de la Caisse de dépôt dans les producteurs pétroliers.

« La fenêtre actuelle est bonne pour exécuter notre plan de sortie », lance en entrevue Vincent Delisle, chef des marchés liquides à la Caisse de dépôt.

L’organisation avait annoncé en septembre dernier son intention de quitter ce secteur d’ici le 31 décembre prochain.

Vincent Delisle ne craint pas de rater un super-cycle au cours duquel un prix élevé du baril de pétrole permettrait aux producteurs d’énergie de dégager de forts résultats trimestriels de façon soutenue.

Les résultats trimestriels pourraient demeurer très bons pendant quelques trimestres, mais Vincent Delisle serait étonné de voir le prix du baril de brut demeurer longtemps aux alentours de 100 $ US. « Quand les scénarios paradisiaques sont escomptés, le risque de déception commence à être élevé », dit-il.

Le secteur de l’énergie connaît de très bonnes performances depuis un moment. « Dans les six derniers mois, c’est une des meilleures fenêtres de surperformance », souligne Vincent Delisle.

Depuis quelques semaines par contre, l’appréciation des titres dans le secteur a cessé de suivre la progression du prix du baril de pétrole. Il arrive toujours un moment où on pousse l’enveloppe et que le potentiel à la baisse devient supérieur au potentiel à la hausse.

Vincent Delisle

Outre l’occasion de rendre le portefeuille de la Caisse un peu plus vert, Vincent Delisle croit que c’est une occasion de réaliser des placements plus judicieux.

« Sur un horizon à long terme, le secteur des ressources n’est pas intéressant, dit-il. Le secteur des matières premières (nickel, cuivre, pétrole) fait extrêmement bien en début de cycle, mais la rentabilité des entreprises du secteur est très volatile. »

Quelques hausses éventuelles de taux d’intérêt pourraient graduellement mener à des signes de ralentissement économique, ce qui peut toucher l’appétit pour les secteurs plus cycliques comme les ressources, indique Vincent Delisle.

Inflation et technologies

Les pressions inflationnistes ont un effet direct sur les consommateurs, mais elles en ont aussi sur les coûts des entreprises. « Les profits en 2022 seront sous pression en raison de la hausse des coûts et de la hausse des taux d’intérêt. C’est un signal de volatilité. On le voyait et on a réduit l’appétit pour le risque dans notre positionnement », dit Vincent Delisle.

Ayant un retard à combler dans les technologies, la Caisse a augmenté son exposition à ce secteur depuis 2020. « Ce qu’on cherchait surtout était de s’exposer davantage aux industries qui offraient de la croissance. Le secteur de la technologie est très vaste. On a beaucoup parlé des GAFAM [Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft], mais ce n’est pas un groupe monolithique. On vise des entreprises de qualité, peu importe le secteur. On a été récompensés pour cet ajustement, mais on reste proactifs. »

Selon Vincent Delisle, c’est une erreur de traiter tous les géants technos de la même façon. « Certains sont plus volatils et ont plus de difficulté à maintenir le rythme de croisière, comme Netflix et Meta [Facebook] », dit-il.

Apple a un rôle très important à jouer dans un portefeuille, ajoute-t-il, en raison de son chiffre d’affaires et de ses activités moins volatiles que le reste du marché.

« Apple et Microsoft méritaient une plus grande importance pour faire partie du cœur de notre portefeuille. Google entre aussi dans cette catégorie, dit-il. On est très axés sur des entreprises de qualité. La perception était différente il y a quelques années. On pensait davantage à Johnson & Johnson, Nestlé, Procter & Gamble et Coca-Cola. Après quelques cycles, on a réalisé qu’Apple, Microsoft et Google respectent nos critères de qualité. »

Secteur financier

Pour expliquer la récente diminution de l’exposition de la Caisse au secteur financier, notamment aux banques canadiennes, Vincent Delisle rappelle que le secteur financier est un des meilleurs secteurs en début de cycle.

« Ce secteur a très bien fait depuis le rebond en 2020. On a réduit notre exposition aux secteurs plus cycliques, donc aux banques canadiennes et américaines. On en a encore beaucoup, mais moins. On a repositionné nos billes dans des secteurs un peu plus défensifs comme la consommation de base et les soins de santé, où les profits sont moins volatils. »

Cryptomonnaies

La Caisse de dépôt ne détient par ailleurs aucune cryptomonnaie en portefeuille, dit Vincent Delisle. « Nous ne sommes pas investis. L’intérêt n’y est pas vraiment. Il y a une prudence à l’égard de ce genre de nouvel actif. On ne veut rien exclure, mais il serait surprenant qu’on emprunte cette avenue-là. »

Il précise cependant qu’il est important pour la Caisse de comprendre et de bien connaître l’industrie de la chaîne de blocs en raison de l'incidence possible dans l’industrie du paiement notamment, et sur certaines des entreprises détenues en portefeuille.