Le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine a suscité de vives réactions dans les marchés financiers de la planète. Alors que les valeurs boursières étaient en repli, particulièrement en Europe, les cours du pétrole, de métaux industriels et de denrées céréalières ont bondi à des niveaux inégalés depuis des années.

Bousculades en Bourse

En Amérique du Nord, l’indice le plus représentatif de la Bourse américaine, le S&P 500, a basculé de 2,5 % en début de séance jeudi, durant les premières heures de l’invasion russe en Ukraine. Il s’est rattrapé ensuite, pour terminer en hausse de 1,5 %, à 4288 points.

Au Canada, l’indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto a reculé de 300 points en début de séance avant de rebondir, pour terminer en faible hausse de 17 points, ou 0,1 %, à 20 761 points.

« Les prix élevés des matières premières ont été un élément de soutien pour la Bourse canadienne, où les dégâts se limitent à une baisse d’environ 3 % depuis le début de l’année, dont près de 1,5 % cette semaine », ont signalé les économistes du Mouvement Desjardins dans un billet spécial publié jeudi.

Pendant ce temps, les principales places boursières d’Europe ont subi jeudi l’une des plus mauvaises séances depuis mars 2020, lors du bref krach boursier en début de pandémie.

De Francfort à Londres en passant par Paris et Milan, les indices de marché ont reculé de près de 4 % en moyenne.

Mais en Europe de l’Est, l’indice de la Bourse de Varsovie a basculé de 10 %, et celui de la Bourse de Moscou s’est effondré de 35 %.

En contrepartie, les investisseurs se sont rués vers des valeurs refuges telles que l’or, qui a frôlé les 2000 $ US l’once, à son plus haut depuis le bref krach boursier en début de pandémie, il y a deux ans.

Du point de vue d’un gros investisseur en Bourse comme la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui a présenté ses résultats annuels jeudi, ces fortes secousses dans les marchés financiers surviennent à « un moment où l’économie avait déjà à négocier des pressions inflationnistes importantes », a fait observer Vincent Delisle, chef des marchés liquides (financiers) de la CDPQ.

« La toile de fond économique, qui est déjà complexe, va peut-être passer de complexe à compliquée », a indiqué quant à lui Charles Emond, président et chef de la direction de CDPQ, évoquant la possibilité d’une accélération de l’inflation et des autres pressions sur la croissance économique.

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La Russie est l’un des premiers producteurs mondiaux de gaz et de pétrole. Son invasion de l’Ukraine a suscité de vives inquiétudes dans le marché pétrolier mondial, qui craint des ruptures d’approvisionnement.

Le pétrole à plus de 100 $ US le baril

La Russie est l’un des premiers producteurs mondiaux de gaz et de pétrole. Son invasion de l’Ukraine a suscité de vives inquiétudes dans le marché pétrolier mondial, qui craint des ruptures d’approvisionnement.

Par conséquent, le prix du baril de pétrole en Europe (Brent) et aux États-Unis (WTI) a bondi de plus de 6 %, pour dépasser le seuil symbolique des 100 $ US en cours de séance, jeudi. Il s’agissait d’un nouveau sommet depuis 2014.

En fin de journée, le baril de pétrole WTI cotait aux environs de 92 $ US, alors que le baril de Brent en Europe se maintenait au-dessus des 100 $ US. Du côté du gaz naturel, le prix de référence en Europe était en fort rebond de près de 30 %.

« La flambée des prix de l’énergie est un gros casse-tête pour l’Europe, puisque 40 % de son gaz naturel et 30 % de son pétrole viennent de Russie », selon une analyste de la firme financière Swissquote, citée par l’Agence France-Presse.

Par ailleurs, au-delà de la flambée prévisible des prix de l’essence à la pompe, l’envol du baril de pétrole au seuil des 100 $ US présente des risques pour une économie mondiale encore très dépendante des hydrocarbures.

« Aux États‑Unis et au Canada, l’un des premiers effets directs visibles pour la majorité de la population devrait être une nouvelle augmentation des prix de l’essence et de l’énergie », indiquent les économistes du Mouvement Desjardins dans un bulletin spécial publié jeudi.

« Pour les prochains mois, si le conflit [en Ukraine] s’étire, nous pourrions voir un effet négatif sur la consommation en raison de la volatilité des marchés, des risques inflationnistes supplémentaires et de la perte de confiance des consommateurs. »

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Les prix des denrées alimentaires de base, comme le blé, le maïs et le soja, ont bondi après l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, attisant du coup les craintes d’un choc additionnel sur une économie mondiale déjà aux prises avec une inflation persistante.

Flambée du prix des grains

Les prix des denrées alimentaires de base, comme le blé, le maïs et le soja, ont bondi après l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, attisant du coup les craintes d’un choc additionnel sur une économie mondiale déjà aux prises avec une inflation persistante.

Sur la Bourse de commerce de Chicago, jeudi, le prix du blé (pour livraison en mai) a augmenté de près de 6 %, pour atteindre un sommet de neuf ans. Le prix du maïs a également augmenté de 5 %, tandis que le soja a bondi de 2 %.

« Étant donné que la Russie et l’Ukraine représentent ensemble 25 % des exportations mondiales de blé, et l’Ukraine, à elle seule, représente 13 % des exportations de maïs, les impacts de cette crise pourraient exacerber les pressions inflationnistes dans toute l’économie mondiale », a commenté Helima Croft, responsable de la stratégie mondiale des matières premières chez RBC Marchés des capitaux, dans une note aux clients-investisseurs.

Par ailleurs, puisque 90 % des exportations de céréales d’Ukraine sont transportées par voie maritime, on craint que les opérations navales de la Russie dans la mer Noire ne puissent rendre les ports ukrainiens inopérants.

PHOTO VINCENT MUNDY, ARCHIVES BLOOMBERG

Bloomberg Photo Service’Best of the Week’ : Bauxite rock imported from Guinea passes along a conveyor belt to the reclaimer machine at United Co. Rusal’s aluminium oxide factory in Nikolaev, Ukraine, on Tuesday, Dec. 10, 2013. Output of aluminum outside China will trail demand by 2,4 million metric tons in 2017, eroding stockpiles and reversing a decline in prices, said United Co. Rusal, the largest producer of the metal. Photographer : Vincent Mundy/Bloomberg

Tensions dans les métaux industriels

La Russie et l’Ukraine sont des producteurs très influents dans le marché mondial de métaux industriels dits « stratégiques », comme l’aluminium, le nickel, le titane et le palladium. Par conséquent, le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine a vite fait de provoquer une autre flambée des cours dans les principaux marchés de ces métaux industriels.

Par exemple, le groupe russe Rusal est le deuxième producteur industriel d’aluminium du monde. Jeudi, le prix de ce métal a atteint un nouveau record historique de 3382 $ US sur le marché des métaux à Londres (LME).

Pour le nickel, avec des entreprises comme Nornickel Norilsk, la Russie est le troisième producteur mondial de ce minerai important en métallurgie. Selon une estimation de la firme londonienne Capital Economics, près de 10 % du marché mondial du nickel raffiné pourrait être touché par des perturbations ou des sanctions contre l’industrie du nickel en Russie.

Ce métal qui se négocie à des niveaux record d’environ 25 000 $ US la tonne sur le marché LME est l’un des plus demandés sur la planète dans les usines de batteries électriques, et dont l’industrie automobile dépend de plus en plus pour accélérer son électrification.

Situation semblable dans le cas du palladium, métal essentiel dans les systèmes antipollution des automobiles, et dont la Russie contrôle près de 50 % du marché mondial. Jeudi, le cours du palladium a bondi d’un peu plus de 9 %, à son niveau le plus élevé en un an.

Avec l’Agence France-Presse, La Presse Canadienne, l’Associated Press, Bloomberg News, Reuters, Marketwatch/Dow Jones