(Londres) Les prix du pétrole se sont enflammés jeudi avant de s’apaiser un peu, l’attaque aérienne et terrestre de l’armée russe contre l’Ukraine ayant brièvement propulsé le baril de WTI américain à plus de 100 dollars, et celui de Brent à plus de 105 dollars, une première depuis 2014.

Le cours du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril, référence de l’or noir en Europe, qui s’envolait de 8,78 % à 105,34 dollars en matinée, a clôturé en hausse de 2,27 % à 99,08 dollars.

À New York, le baril de West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en avril qui plus tôt grimpait de 8,66 % à 100,10 dollars, a terminé en progrès de 0,77 % à 92,81 dollars.

Les deux références du brut n’avaient plus connu de tels sommets depuis 2014.

Moscou a lancé jeudi à l’aube une invasion de l’Ukraine, avec frappes aériennes à travers le pays, notamment sur la capitale Kiev, et l’entrée de forces terrestres depuis le nord, l’est et le sud du pays.

« Le marché prévoit un resserrement massif de l’offre » d’or noir, estime Carsten Fritsch, analyste chez Commerzbank.

La Russie est l’un des premiers producteurs mondiaux de gaz et de pétrole, affolant les investisseurs quant à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement en hydrocarbures.

« En cas d’interruption partielle des livraisons de pétrole russe, les autres grands pays producteurs ne pourraient compenser que dans une mesure limitée », prévient l’analyste.

« Si la Russie devait couper l’approvisionnement de l’Europe, on peut s’attend à ce que le prix du pétrole grimpe à 110 dollars le baril […] Il y aurait alors une énorme pression sur l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït pour compenser les 3 millions de barils de pétrole par jour que la Russie fournit à l’Europe », a commenté Andrew Lipow de Lipow Oil Associates.

Au moins 40 soldats et une dizaine de civils ont été tués jeudi aux premières heures de l’invasion russe de l’Ukraine, selon Kiev.

L’offensive a suscité un tollé international, avec des réunions d’urgence prévues dans plusieurs pays occidentaux et notamment à l’OTAN et à l’Union européenne.  

La réaction de l’Occident et du président Joe Biden, et l’imposition de nouvelles sanctions bancaires qui jusque-là épargnent les transactions pétrolières russes, a modéré en deuxième partie de séance l’ascension des cours.

Le président Biden a promis de puiser dans les réserves stratégiques de pétrole des États-Unis afin de soulager les Américains, inquiets de la hausse du prix des carburants.

Washington « va relâcher des barils de brut supplémentaires si les conditions le permettent », a affirmé M. Biden, soulignant que les Américains « souffraient déjà » de la hausse des prix de l’essence à la pompe.

Le président américain a aussi indiqué que les États-Unis travaillaient avec leurs alliés pour « puiser collectivement dans les réserves stratégiques des grands pays consommateurs d’énergie ».

Dépendance au gaz russe

La Russie est également le premier exportateur mondial de gaz naturel. Le Vieux Continent importe environ 40 % de ses besoins depuis la Russie.

Il n’existe pas de solution immédiate pour remplacer sur le marché du gaz européen les importations venues de Russie, si celles-ci devaient cesser, a averti jeudi le géant français de l’énergie TotalEnergies.

« Si le gaz russe ne vient pas en Europe, on a un vrai sujet de prix du gaz en Europe », a déclaré le président du groupe Patrick Pouyanné, mettant l’accent sur la dépendance européenne au gaz russe.

Le secrétaire d’État français aux Affaires européennes Clément Beaune avait quant à lui assuré mercredi que l’Europe avait « assez de stocks pour passer l’hiver ».

À la suite de la reconnaissance de provinces ukrainiennes prorusses, l’Allemagne avait fini par se résoudre mardi à suspendre la certification du gazoduc Nord Stream 2, un projet phare pour Berlin comme pour Vladimir Poutine mené depuis longtemps malgré les critiques.

Un haut responsable américain a vu dans l’annonce de Berlin un « tournant majeur » qui « libérera l’Europe de l’étau géostratégique russe » lié à l’approvisionnement en gaz naturel.

Le marché de référence en Europe, le TTF (Title Transfer Facility) néerlandais, qui a grimpé à plus de 143 dollars en séance, a clos en hausse à 114,50 dollars le mégawattheure (MWh).