(New York) Wall Street s’est raidie vendredi après la clôture des places européennes, affolée par la possible invasion imminente de l’Ukraine par la Russie, qui a plombé les actions et fait décoller le marché obligataire.

Plus tôt, les indices européens avaient continué de baisser, comme la veille, afin de s’aligner avec les pertes de Wall Street de jeudi. Paris a cédé 1,27 %, Milan 0,82 %, Francfort 0,42 % et Londres 0,15 %.  

Après la clôture des marchés européens, un journaliste de la chaîne publique américaine PBS a affirmé que le gouvernement américain était convaincu que le président russe Vladimir Poutine avait « décidé d’envahir l’Ukraine » et avait informé de sa décision le commandement militaire russe.

La Maison-Blanche a démenti, par la voix du conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, qui a néanmoins indiqué qu’il existait une « possibilité très réelle » d’une attaque russe.

Les indices ont plongé et les taux obligataires américains ont violemment baissé.

« Les nouvelles sur l’Ukraine et la Russie ont asséné un nouveau coup aux marchés, qui étaient déjà vacillants », a réagi Cliff Hodge, responsable de l’investissement chez Cornerstone Health. « La fuite vers les actifs sûrs est enclenchée. »

Après être monté à 2,06 %, son plus haut niveau depuis fin juillet 2019, le taux des emprunts d’État américains à dix ans s’est ainsi violemment replié, jusqu’à 1,91 %, à mesure que les investisseurs se ruaient sur les obligations (prix et taux évoluent en sens opposés).

« Si une invasion se produisait », a anticipé John Lynch, responsable de l’investissement chez Comerica Wealth Management, « il est concevable que les actions connaissent une nouvelle baisse de 10 % environ, les investisseurs vendant d’abord et posant des questions plus tard. »

Parmi les rares valeurs à surnager vendredi à New York, les pétrolières, comme Chevron (+2,04 %), ExxonMobil (+2,52 %) et Marathon Petroleum (+1,82 %), ainsi que le groupe chimique Dow (+0,23 %) ou la minière Mosaic (+2,07 %).

Côté baisse, le rouge était partout, y compris parmi les plus importantes capitalisations de Wall Street, d’Apple (-2,02 %) à Microsoft (-2,43 %), en passant par Meta (Facebook), qui a repris sa glissade (-3,74 %), entamée il y a un peu plus d’une semaine.

Fièvre sur le pétrole

Sans surprise, les cours du pétrole se sont enflammés, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril accrochant même 95,66 dollars, à portée du seuil psychologique des 100 dollars.

Il a finalement terminé sur un bond de 3,31 % à 94,44 dollars, au plus haut depuis septembre 2014.

À New York, le baril de West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en mars a pris 3,58 % à 93,10 dollars, également au plus haut depuis plus de sept ans.

Le Yen s’envole, l’euro souffre

Jugé comme la devise la plus sûre par les cambistes, le yen a bondi de 1,73 % face à l’euro, un écart exceptionnel pour le marché des changes.

Également considéré comme une valeur refuge, le franc suisse a aussi bénéficié de ce coup de froid, mais moins que le yen, du fait de la « proximité économique » de la Suisse avec les pays engagés dans la crise, a souligné Juan Manuel Herrera, spécialiste des devises chez Scotiabank.

Autre valeur refuge, le dollar a aussi avancé face à l’euro et s’affichait à 1,1349 dollar, en hausse de 0,68 %.

Souvent fuies lorsque l’appétit pour le risque disparaît, les cryptomonnaies étaient massivement vendues. Le bitcoin perdait 3,52 %, à 42 551,70 dollars, et l’ethereum, 6,21 %.

La Bourse de Toronto clôture en hausse

La Bourse de Toronto a clôturé en hausse vendredi, soutenue par les gains du secteur de l’énergie, alors que le prix du baril de pétrole brut franchissait le cap des 93 $ US.

Les grands indices boursiers américains ont pour leur part reculé, victimes des craintes entourant les hausses de taux d’intérêt à venir.

Cette dernière séance volatile de la semaine est intervenue après que les chiffres élevés de l’inflation américaine ont augmenté la probabilité d’une action dynamique des banques centrales, tandis que les inquiétudes concernant une éventuelle invasion russe de l’Ukraine ont contribué à secouer les marchés, a observé Greg Taylor, directeur des investissements chez Purpose Investments.

« Ça a été une semaine volatile et ce n’est encore qu’une prolongation de l’année volatile que nous avons eue, et on devait vraiment s’y attendre, parce que les banques centrales, après avoir été super accommodantes pendant deux ans, montrent maintenant leurs dents. »

L’inflation américaine de 7,5 % dévoilée cette semaine était la plus élevée en 40 ans, et elle a raffermi les attentes de hausse des taux, ce qui a exercé une pression sur les actifs à risque, en particulier dans le secteur technologique, a-t-il expliqué.

« Plusieurs éléments sont en marche, mais cela revient vraiment aux rendements obligataires plus qu’autre chose, mais en termes relatifs, le Canada est le gagnant en ce moment, en raison de notre exposition aux titres cycliques. »

L’indice composé S&P/TSX du parquet torontois a avancé de 17,12 points pour terminer la séance avec 21 548,84 points. Le secteur de l’énergie a grimpé de 3,6 % et contrebalancé les reculs des groupes des technologies de l’information, de la finance et de l’industrie.

L’action de Suncor Énergie a gagné 4,55 % et celle de Canadian Natural Energy a avancé de 2,92 %, pendant que le cours du pétrole brut gagnait 3,22 $ US à 93,10 $ US le baril à la Bourse des matières premières de New York.

Le secteur de l’industrie a souffert de la baisse de 6,35 % du titre de Magna International, après que le fabricant de pièces automobiles a indiqué souffrir des contraintes de la chaîne d’approvisionnement et publié des perspectives inférieures aux attentes des analystes pour son exercice 2023. L’action de Shopify a quant à elle perdu 4,4 % dans le cadre d’un désinvestissement plus large des technologies.

Sur le marché des devises, le dollar canadien s’est négocié au cours moyen de 78,73 cents US, en baisse par rapport à celui de 78,85 cents US de la veille.

Statistique Canada doit publier, la semaine prochaine, ses données sur l’inflation pour le mois de janvier, deux semaines avant que la Banque du Canada annonce sa prochaine décision sur sa politique monétaire, qui devrait comprendre une hausse des taux d’intérêt.

La Presse Canadienne