(Londres) Le cours du bitcoin s’envolait mercredi à un nouveau plus haut, à plus de 66 000 dollars, porté par le lancement d’un produit financier à Wall Street lié à la cryptomonnaie, étape historique pour sa démocratisation.

Treize ans après la création du bitcoin par un anonyme sceptique de la finance connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, le bitcoin, qui repose sur la technologie de chaîne de blocs (« blockchain »), est désormais devenu la marotte de nombreux investisseurs.

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La performance du bitcoin a de quoi donner le tournis : la cryptomonnaie, qui s’échangeait pour moins d’un dollar il y a douze ans, a culminé en cours de séance à 66 273 dollars, en hausse de plus de 50 % sur un mois et de plus de 450 % sur un an.

Si la cryptomonnaie a été créée comme un moyen de paiement décentralisé, son utilisation comme telle reste mineure en raison de sa volatilité : les douze derniers mois ont surtout été marqués par des investissements, motivés par son adoption par des géants de la finance et de la technologie, et même par le gouvernement du Salvador.

Mais les régulateurs, eux, se montrent très critiques vis-à-vis de ce cryptoactif, décentralisé et difficile à contrôler : les gendarmes boursiers multiplient les avertissements.

Le régulateur américain, la SEC, a ainsi insisté pour que le fonds indiciel (ETF) lancé mardi, le premier lié au cours du bitcoin, soit adossé à des contrats à terme liés à la cryptomonnaie, et non directement à celle-ci.

Le lancement de l’ETF a été un succès, avec 24,4 millions d’échanges, ce qui « prouve qu’il y a un appétit fort pour une exposition au bitcoin », commente Fawad Razaqzada, un analyste de ThinkMarkets.

12 mois mouvementés

Cet appétit a été prouvé à de multiples reprises ces douze derniers mois : le 21 octobre 2020, le spécialiste des paiements PayPal annonçait le lancement d’un service d’achat, de vente et de paiement par cryptomonnaie, déclenchant une hausse des prix et un premier record historique, à plus de 20 000 dollars en décembre.

PayPal a été suivi par de nombreux groupes : devant la demande de leurs clients, des institutions de Wall Street comme Goldman Sachs et JP Morgan proposent désormais des services dédiés aux cryptomonnaies.

Le bitcoin a culminé à près de 65 000 dollars en avril, le jour de l’introduction en Bourse aux États-Unis de Coinbase, l’une des plus importantes plateformes d’achat de cryptomonnaies, signe pour certains que le marché tumultueux s’assagit.

Surtout, le médiatique patron de Tesla, Elon Musk, a soufflé le chaud et le froid sur le marché pendant de longs mois : critique des régulations gouvernementales et fasciné par ces monnaies décentralisées, il a partagé des messages cryptiques et des montages photos sur son compte Twitter qui ont fait tanguer les cours.

Il avait en outre annoncé qu’une partie de la trésorerie de Tesla avait été investie en bitcoin et que le fabricant de véhicules électriques accepterait la cryptomonnaie comme moyen de paiement de ses voitures, avant de se raviser quelques semaines plus tard sur ce dernier point, s’inquiétant de l’impact environnemental du réseau bitcoin.

Malgré le fait que la SEC a accepté le lancement d’un ETF, « le risque que la régulation durcisse n’a pas disparu et il est difficile de prévoir comment les cours réagiront », écrit Mark Haefele, analyste à UBS.

En Chine, l’État a interdit les transactions en cryptomonnaies fin septembre. Aux États-Unis, Washington a averti mardi que le développement des cryptomonnaies affaiblissait l’efficacité des sanctions économiques et financières.

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En revanche, les technologies qui permettent aux cryptomonnaies d’exister sans émetteur centralisé intéressent les banques centrales : en Chine, le lancement d’un yuan numérique est à l’essai.

En Europe, la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas encore décidé si elle mettrait un euro numérique à la disposition du commun des mortels. Mais sur les marchés financiers, la Banque de France teste l’utilisation d’une chaîne de blocs et d’un euro numérique pour émettre de la dette.

La reine des cryptomonnaies

Le bitcoin, première cryptomonnaie décentralisée, vient de dépasser mercredi 66 000 dollars, un plus haut historique. Près de treize ans après sa création, qu’est-ce qui fait sa particularité et suscite l’appétit des investisseurs, des particuliers à Wall Street en passant par Elon Musk ?

Qu’est-ce que le bitcoin ?

Né après la crise financière de 2008, le bitcoin promouvait initialement un idéal libertaire et ambitionnait de renverser les institutions monétaires et financières traditionnelles.

C’est le 31 octobre 2008 qu’est publié sur l’internet le livre blanc fondateur. Son auteur : Satoshi Nakamoto, un pseudonyme. L’identité de la personne ou du groupe qui se cache derrière demeure inconnue.

Dans le document de huit pages, M. Nakamoto présente l’objectif de sa cryptomonnaie : « effectuer des paiements en ligne directement d’un tiers à un autre sans passer par une institution financière ».

Le 3 janvier 2009, le premier bloc est créé : 50 bitcoins sont générés.

De nombreuses autres cryptomonnaies ont depuis été lancées (ethereum, tether, cardano, ripple…). Aujourd’hui, il en existe plus de 12 000, selon le site spécialisé CoinMarketCap. Mais le bitcoin représente à lui seul près de 50 % de ce marché à plus de 2500 milliards de dollars.

Il y a actuellement environ 18,8 millions de bitcoins en circulation. La masse monétaire augmente progressivement avec l’émission de nouvelles unités. En revanche, un plafond a été fixé à sa création : le nombre de bitcoins ne pourra jamais dépasser 21 millions.

Comment en obtenir ?

Il existe deux moyens d’obtenir des bitcoins.

Historiquement, les particuliers pouvaient « miner », c’est-à-dire utiliser la puissance d’un ordinateur pour valider les transactions sur une « blockchain », un registre décentralisé, et prouver leur participation en cherchant le résultat d’une équation ultra-complexe.

Mais avec la flambée des cours, le nombre de « mineurs » s’est accru, l’industrie s’est professionnalisée et la probabilité d’être récompensé en bitcoin s’est réduite. Pour espérer rentabiliser son activité, il faut désormais du matériel de pointe et un accès à une source d’électricité à bas coût.

Les bitcoins s’achètent désormais sur des plateformes d’échange, en utilisant des monnaies traditionnelles ou d’autres cryptomonnaies. Les fonds sont ensuite détenus sur un portefeuille virtuel protégé.

Pour éviter les piratages, certains utilisateurs choisissent de placer leurs fonds dans un portefeuille déconnecté.

Si certains fonds d’investissement en achètent directement, d’autres voudraient avoir accès à des fonds indiciels (ou ETF), comme ils le font pour l’or. C’est le lancement sur la Bourse de New York d’un ETF, adossé à des contrats indiciels, qui a galvanisé le bitcoin en octobre.

Combien vaut-il ?

En 2013, le bitcoin, qui ne valait quasi rien au départ, dépasse les 1000 dollars et commence à attirer l’attention des institutions financières.

Depuis, ce marché volatil a connu plusieurs tours de montagnes russes : fin 2017, le bitcoin atteint 19 511 dollars. Mais très vite, la « bulle » éclate et le bitcoin retombe lourdement.

Il n’a de nouveau dépassé les 10 000 dollars que mi-2019, avant de renouer avec les 15 000 dollars en novembre 2020.

En 2021, l’intérêt combiné d’investisseurs particuliers, de fonds d’investissement et d’entreprises a fait flamber son cours, jusqu’à un plus haut historique atteint mi-avril.

Une nouvelle chute avait conduit le bitcoin fin juin à 28 824 dollars, et une nouvelle remontée l’a fait renouer mercredi avec son plus haut historique, à plus de 66 630 dollars.

Sa volatilité reste un frein à son adoption comme moyen de paiement. Autre obstacle : le temps de validation de la transaction. Selon l’engorgement du réseau, la confirmation du paiement peut prendre entre quelques minutes et plusieurs heures.

Certains de ses partisans ont même abandonné l’idée d’utiliser le bitcoin comme moyen de paiement en Europe ou aux États-Unis, et voient plutôt dans la première cryptomonnaie un futur or numérique : un moyen de conserver de la valeur hors d’atteinte des Banques centrales.

Que peut-on acheter avec ?

À ses débuts, le bitcoin était majoritairement utilisé sur le « dark net » (face cachée de l’internet dont le contenu n’est pas indexé par les moteurs de recherche classiques) pour acheter des produits illicites.

Au fil du temps, alors que sa renommée n’a cessé de grandir, quelques restaurants et boutiques ont commencé à accepter les bitcoins, le plus souvent dans les grandes villes.

La dernière ruée sur le bitcoin a été déclenchée par l’annonce en octobre de PayPal : le géant des paiements en ligne propose désormais à ses utilisateurs américains d’acheter, vendre ou utiliser le bitcoin comme monnaie.

En Afrique ou en Amérique latine, la cryptomonnaie intéresse également des populations jeunes dans des pays où l’inflation galopante fait perdre sa valeur à la monnaie locale. Le Salvador a même adopté la cryptomonnaie comme monnaie officielle, au côté du dollar.

Mais pour l’instant, la première cryptomonnaie intéresse surtout les investisseurs, particuliers comme institutionnels.