L’élan des marchés boursiers a permis à plusieurs indices de fracasser des records, mais la recrudescence des cas d’infection à la COVID-19 dans certains pays en raison du variant Delta, très contagieux, pourrait-elle placer les investisseurs sur la défensive ? Probablement pas pour le moment, d’après les économistes et stratèges.

Inde, Indonésie, Australie, Espagne, Portugal, Russie… La liste des endroits où la situation épidémique se détériore s’allonge depuis un moment, soulevant au passage des doutes sur la vigueur de la reprise économique à l’échelle mondiale.

Le Japon, qui n’échappe pas à la tendance, a envoyé un message fort, jeudi, en décrétant l’état d’urgence sanitaire pendant toute la durée des Jeux olympiques qui doivent s’ouvrir dans deux semaines. Résultat : les épreuves du rendez-vous international se tiendront à huis clos.

Ce portrait moins encourageant a pesé sur l’humeur des investisseurs, alors que plusieurs places boursières comme Paris (-2,01 %), Londres (-1,68 %), Francfort (-1,73 %) et Madrid (-2,31 %) se sont enfoncées dans le rouge même si elles sont parvenues à limiter leurs pertes en fin de séance. En Asie, Hong Kong a même lâché 2,99 %.

La séance a également été volatile de ce côté-ci de l’Atlantique. L’indice composé S&P/TSX de la Bourse de Toronto a abandonné 1,13 %, ou 229,39 points, pour clôturer à 20 061 points. À la Bourse de New York, la moyenne Dow Jones des valeurs industrielles (-0,75 %), l’indice élargi S&P 500 (-0,86 %) et l’indice composé du NASDAQ (-0,72 %) ont aussi terminé en territoire négatif.

« Il y a un effet d’accumulation, lance l’économiste en chef et stratège au Mouvement Desjardins, Jimmy Jean. C’est peut-être la goutte qui fait déborder le vase et qui fait croire que ce n’est pas un phénomène isolé. Il y avait peut-être des investisseurs qui pensaient que la pandémie était définitivement terminée. »

Un autre facteur source de soucis pour les investisseurs émane de la Réserve fédérale des États-Unis, qui a en quelque sorte signalé un changement de cap de sa politique de soutien monétaire en évoquant la nécessité de penser à un calendrier pour réduire ses achats de bons du Trésor et autres actifs.

Il y a donc une importante quantité d’informations à digérer, explique Candice Bangsund, gestionnaire de portefeuille chez Fiera Capital.

« L’humeur est plus défensive et cela a eu un impact sur les marchés, dit-elle. Et la trajectoire ne sera pas nécessairement linéaire pour les investisseurs. Nous nous attendons à des épisodes de volatilité périodiques quand des manchettes à propos du coronavirus attireront l’attention des investisseurs. »

Depuis le début de l’année, le principal indice boursier de Bay Street a livré un rendement d’environ 14 % tandis qu’à Wall Street, la hausse est d’environ 17 % pour le S&P 500, qui regroupe les 500 plus grandes valeurs boursières américaines.

Des fluctuations normales

Ainsi, dans un tel contexte, il est normal d’assister à des journées comme celle de jeudi, souligne l’économiste de la Banque Nationale Matthieu Arseneau.

« Cela ne veut pas dire qu’on se dirige vers une correction, dit-il. Il y a un peu de volatilité, ce qui est tout à fait normal dans un contexte d’incertitude. Il y a des raisons de demeurer confiant pour la reprise. En Angleterre, on observe l’impact du variant Delta, mais lorsque l’on se penche sur les hospitalisations, ce n’est pas alarmant. Le système de santé n’a pas été surchargé. »

M. Jean a abondé dans le même sens en soulignant que le vaccin contre la COVID-19 est ce qui viendra « changer la donne », et ce, même si la situation actuelle pourrait ralentir la cadence des réouvertures à certains endroits dans le monde.

Néanmoins, « il n’y a pas de grandes craintes » à avoir par les temps qui courent, selon l’économiste en chef de Desjardins, qui anticipe toujours de « fortes croissances » au Canada ainsi qu’aux États-Unis pendant la deuxième moitié de l’année.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Jimmy Jean, économiste en chef et stratège au Mouvement Desjardins

Il ne faut pas oublier que les politiques gouvernementales de soutien sont toujours très présentes. Des deux côtés de la frontière, on continue à accompagner les ménages affectés à cause de la crise.

Jimmy Jean, économiste en chef et stratège au Mouvement Desjardins

La plupart des économistes et des stratèges maintiennent ainsi leurs cibles pour le moment. Par exemple, la Banque Nationale s’attend à ce que l’indice S&P/TSX du parquet torontois termine l’année aux alentours de 20 600 points.

« On ne parle pas de rendements spectaculaires pour le reste de l’année pour la Bourse canadienne, mais nous recommandons toujours une surpondération des actions par rapport aux titres à revenu fixe », souligne M. Arseneau.