(New York) Plusieurs acteurs-clefs de la saga GameStop, qui a déstabilisé Wall Street fin janvier, se sont défendus jeudi d’avoir cherché à manipuler la Bourse face à des députés américains soucieux de faire la lumière sur certaines pratiques de fonds spéculatifs et de plateformes de courtage.

Intitulée « Game Stopped : Qui sont les gagnants et les perdants quand les vendeurs à découvert, les réseaux sociaux et les petits porteurs entrent en collision ? », l’audition était organisée en visioconférence par la Commission des services financiers de la Chambre des représentants.

Les parlementaires ont cherché à déterminer si des pratiques frauduleuses avaient été à l’origine de l’extrême volatilité sur les marchés financiers américains le mois dernier.

Un mouvement de panique s’était emparé de la Bourse new-yorkaise quand une armée d’investisseurs amateurs, échangeant notamment sur un forum du site Reddit, avait investi massivement dans plusieurs compagnies à la santé financière chancelante, dont la chaîne de magasins de jeux vidéo GameStop.

L’action du groupe avait soudainement bondi avant d’abandonner une grande partie de ses gains dans les semaines suivantes.

En se portant sur GameStop et quelques autres sociétés, de nombreux boursicoteurs ont voulu donner tort à de grands fonds spéculatifs et à des barons de Wall Street, qui avaient misé sur un effondrement boursier de ces entreprises.

« Aucune pression »

Plusieurs plateformes de courtage s’étaient retrouvées sous le feu des critiques pour avoir limité, au plus fort de la fièvre spéculative, les achats du titre GameStop et d’autres entreprises très recherchées par les petits porteurs.

L’application Robinhood, prisée des millénales, avait fait face à une déferlante de commentaires négatifs, beaucoup accusant l’entreprise d’être aux ordres de fonds d’investissement avec qui elle fait affaire.  

Face aux députés jeudi, son patron, Vlad Tenev, s’est excusé auprès de ses clients, mais a assuré n’avoir subi « aucune pression ».

« Tout ce que je peux dire est que Robinhood a respecté les règles », a insisté M. Tenev.  

Il a répété que son entreprise avait dû imposer des restrictions pour respecter les niveaux de liquidités exigés par les chambres de compensation afin de garantir que les transactions boursières soient menées à bien.

« Pertes colossales »

IMAGE COMMISSION DES SERVICES FINANCIERS DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS VIA AP

Keith Gill

Des échanges tendus ont également eu lieu entre les députés et M. Tenev ainsi qu’avec le financier Ken Griffin, fondateur du hedge fund Citadel, autour du « paiement pour flux d’ordres ».  

Cette pratique controversée permet à des plateformes de courtage de se rémunérer sur une transaction en bénéficiant d’un tarif préférentiel de la part des teneurs de marchés (dont Citadel fait partie).

La différence entre le prix offert aux clients et le prix « réel » de la transaction est jugée par certains comme un coût qui n’est pas divulgué de manière suffisamment claire aux petits porteurs.

La députée démocrate de New York Alexandria Ocasio-Cortez a demandé à M. Tenev s’il était prêt à reverser les bénéfices des paiements pour flux d’ordres aux clients de Robinhood, ce que le dirigeant n’a pas directement accepté de faire.

Pour sa part, Gabriel Plotkin, dirigeant du fonds d’investissement Melvin Capital, qui avait misé sur une baisse sur GameStop, a concédé des « pertes colossales » quand l’action a subitement grimpé fin janvier.

Comme les autres témoins, il a balayé les accusations de manipulation boursière.

« Je ne suis pas un chat »

Un autre temps fort de l’audition a été le témoignage de Keith Gill, qui s’est rendu célèbre sur Reddit et YouTube pour avoir parié sur une hausse de GameStop bien avant la saga de janvier.

Celui qui se fait notamment appeler « Roaring Kitty » (« Châton rugissant ») sur l’internet s’est présenté comme un investisseur non institutionnel ayant analysé en profondeur le modèle de GameStop.

« Je crois que le prix actuel de l’action prouve que j’ai eu raison au sujet de cette entreprise », a déclaré M. Gill.

« Je ne suis pas un chat », a-t-il également plaisanté en allusion à une récente vidéo virale où un avocat texan apparaît avec un filtre de chat lors d’une audience en visioconférence sur Zoom.

La performance de M. Gill a été saluée par de nombreux internautes, qui ont apprécié son style décontracté et ses réponses courtes et directes.

« J’achète des actions GameStop aujourd’hui par respect pour DeepFuckingValue (un autre pseudonyme de M. Gills, NDLR) », a écrit un des membres du forum WallStreetBets de Reddit.

Le prix du titre de GameStop a même brièvement décollé lors de l’intervention de M. Gill avant de retomber.

Deux autres auditions sont prévues au cours desquelles des régulateurs boursiers et des experts du monde de la finance doivent s’exprimer face aux députés de la Commission des services financiers.