(New York) Après une fulgurante ascension la semaine dernière, la chaîne de magasins de jeux vidéo GameStop connaît des lendemains difficiles à Wall Street, où son action a dégringolé de 72 % depuis lundi.

La saga boursière du début d’année, qui a vu des investisseurs amateurs défier des fonds spéculatifs gérant des milliards de dollars d’actifs, est-elle déjà terminée ? Quels enseignements peut-on en tirer ?

Pourquoi GameStop chute ?

-31 % lundi, -60 % mardi : le brusque repli du titre de GameStop (coté sous le symbole GME) est à la mesure de son incroyable envolée hebdomadaire de 400 % entre lundi et vendredi derniers.

Le titre avait alors été poussé par une armée de boursicoteurs, active notamment sur le site communautaire Reddit, qui s’est liguée contre les grands fonds ayant parié sur un effondrement de GameStop.

Cette dynamique a clairement perdu de son élan en début de semaine.

Ce coup d’arrêt s’explique en partie par la liquidation de positions prises par des fonds d’investissement, qui ont dû racheter au prix fort des actions dont ils avaient anticipé le recul.

Quincy Krosby de Prudential Financial souligne qu’en fin de semaine dernière, « on a commencé à voir dans presque chaque secteur du marché les actions d’entreprises individuelles baisser de manière plus marquée que le secteur dont elles font partie. »

« Cela a été la conséquence de ventes forcées par les hedge funds. Ils ont dû vendre tout ce qu’ils pouvaient pour couvrir leurs paris à la baisse » et procéder aux rachats d’actions comme GameStop, ajoute l’experte.

Une fois ces liquidations finalisées, la demande pour ces titres a naturellement ralenti, pesant sur son cours.

D’autres facteurs ont aussi pu jouer, comme la crainte d’une intervention du gendarme boursier américain, la SEC, face à la volatilité extrême du marché ou encore les limites imposées sur les transactions par certaines plateformes de courtage, qui avaient déjà lésé GameStop jeudi.

Dans le sillage de GameStop, d’autres actions ayant fait l’objet d’une frénésie spéculative ont sombré mardi, notamment celle des salles de cinéma AMC (-41 %) ou de la chaîne de grands magasins Bed, Bath & Beyond (-16 %).

Le cours de l’argent, qui avait atteint lundi un sommet en huit ans après avoir également bénéficié de l’intérêt d’investisseurs en herbe, était en repli de 8 %.

Quel rôle pour les investisseurs particuliers ?

Si la page GameStop est sur le point d’être tournée, le rôle en Bourse des petits investisseurs est plus que jamais sur le devant de la scène.

La pandémie et les mesures de confinement avaient déjà contribué à faire exploser le nombre d’investisseurs du dimanche, privés de paris sportifs et adeptes d’applications de courtage comme Robinhood.

Parfois décrit comme une communauté de millénariaux, bercés aux réseaux sociaux et aux nouvelles technologies, ce groupe est pourtant loin d’être homogène, rappelle Mme Krosby.  

« Les investisseurs individuels ne sont pas que des jeunes de 25 ans en colère. Des professionnels expérimentés sont aussi entrés dans la mêlée » pour profiter de la hausse, indique l’experte.

Professionnels ou non, ces investisseurs ont su exploiter des failles du marché pour piéger à leur propre jeu des fonds spéculatifs.  

Certains acteurs de la haute finance pensent néanmoins que cette stratégie est vouée à l’échec à plus long terme.  

« Les victimes de l’expérience GameStop sont et continueront d’être les utilisateurs de Robinhood qui ont envahi les marchés financiers […] en n’ayant ni la taille, ni le plan détaillé, ni l’expertise mathématique dans la cotation des options pour réussir », a estimé l’investisseur et gestionnaire de fonds Bill Gross.

Un risque de bulle financière ?

Le vent de panique qui a soufflé sur Wall Street la semaine dernière a également ravivé les discussions autour du possible éclatement d’une bulle financière.

Beaucoup d’observateurs jugent en effet le marché boursier surévalué depuis de nombreux mois, la santé à Wall Street de nombreuses entreprises ne reflétant pas leur performance réelle.

La politique accommodante de la Réserve fédérale (taux bas, rachat d’actifs), qui a inondé les marchés de liquidités, et les mesures de relance du gouvernement américain ont permis à une masse monétaire conséquente de circuler en Bourse, créant de fait un déséquilibre.

Les mesures de la Banque centrale américaine (Fed) ont pour but de soutenir l’économie, ralentie par la récession, et d’encourager l’investissement. Mais un changement de cap de la Fed pourrait s’avérer fatal.

« Pour la plupart des spécialistes, une bulle éclate quand le marché estime que la Fed est sur le point de devenir plus restrictive », explique Mme Krosby.

À cet égard, la fièvre GameStop pourrait être un signe avant-coureur d’un mouvement plus profond.