L’action de Guru doit commencer à se négocier sur les marchés à la fin d’octobre ou au plus tard au début de novembre. L’intérêt des investisseurs est réel, comme en témoigne la bonification du financement privé accompagnant l’inscription en Bourse. Faut-il acheter des actions de l’entreprise montréalaise de boissons énergisantes ou pas ? Des experts commentent.

Évaluation

Le prix initial fixé pour l’action est 5,45 $. Cette évaluation équivaut à environ sept fois les ventes de l’exercice financier 2020. « Ce n’est pas une aubaine », tranche le gestionnaire de portefeuille Martin Lalonde, de la firme Rivemont. C’est également l’avis du chef des investissements chez Claret, Alain Chung. « Pour l’instant, tu ne peux pas vraiment justifier ce prix avec les ratios financiers actuels », dit-il. Pour lui, acheter des actions de Guru n’est pas « vraiment » un placement. « C’est plutôt de la spéculation, soutient Alain Chung. Tu payes pour le futur, et tu espères que le futur va se dérouler exactement comment ils te le présentent. »

Marché énorme

Le marché à conquérir est important. Le chiffre d’affaires annuel de Guru est d’une vingtaine de millions de dollars. Dans ses présentations, Guru précise que la taille du marché américain de la boisson énergisante est évaluée à 15 milliards US et qu’elle pourrait frôler les 20 milliards US d’ici quatre ans. « Si Guru résiste aux gros joueurs comme Red Bull et Monster, garde ses frais de distribution bas, et que la croissance est à la hauteur des attentes des dirigeants, ça pourrait devenir un autre succès “made in Québec” », croit Philippe Pratte, chef des investissements chez Pratte Gestion de portefeuille, en Outaouais.

Consolidation

L’industrie des boissons énergisantes est en consolidation, souligne Martin Lalonde. « Guru pourrait bien devenir une cible d’acquisition pour un plus gros joueur. L’inscription à la Bourse est d’ailleurs un coup de marketing en soi, ajoute-t-il. Ça donne encore plus de visibilité à l’entreprise », précise le gestionnaire de portefeuille. Alain Chung apprécie pour sa part assurément le potentiel que renferme Guru. « Si tout fonctionne, tu vas faire 10 à 20 fois ton argent. Sinon, ça va disparaître. Ça va se faire acheter par une autre boîte », dit-il.

David contre Goliath

La concurrence est intense dans le secteur. Guru se mesure à des géants aux poches profondes comme Red Bull, Monster, Celsius, Rockstar (Pepsi), Coca-Cola, etc. Guru ne prévoit pas de dégager de profit pour les deux ou trois prochaines années, souligne Martin Lalonde. « C’est normal. La plupart des entreprises en forte croissance réinvestissent leurs profits dans la croissance de leurs activités. On comprend que l’argent levé à l’entrée en Bourse sera utilisé surtout pour mousser les ventes et le marketing. Ils ont un produit qu’ils doivent faire connaître. »

Produit attrayant, Guru arrive avec une approche différente et positive, dit Martin Lalonde. « Le produit est bon pour la santé, naturel et bio. Si on le compare aux autres types de boisson énergisante sur le marché, plusieurs grandes marques sont perçues comme toxiques et mauvaises pour la santé », dit-il. « L’avantage de Guru est le volet bio du produit qui pourrait vraiment attirer et conserver une clientèle recherchant l’approche santé », ajoute Philippe Pratte.

Histoire de marketing

Guru est avant tout une histoire de marketing, selon Alain Chung. « Tu achètes une boîte de branding », dit-il. Le risque est que Guru n’atteigne pas la croissance espérée, car le marché est compétitif. « Si tu augmentes tes ventes, ta marge devient tout simplement faramineuse. Mais si tu dépenses beaucoup d’argent en marketing et que ça ne fonctionne pas, tu es dans le trouble », indique Alain Chung.

Marges impressionnantes

Si les ventes de Guru sont en forte hausse avec un taux de croissance annuelle composé de 28 % au cours des trois dernières années, les marges de 65 % sont effectivement plutôt impressionnantes. « Les marges dans le reste de l’industrie tournent davantage autour de 55 à 60 % », dit Martin Lalonde. Au Québec, Guru est la marque qui a la plus forte croissance, ajoute-t-il. « Guru détient 13 % du marché au Québec, derrière Red Bull et Monster. Ces parts peuvent augmenter, mais c’est le potentiel de croissance à l’extérieur du Québec qui est très grand. »