Le plus important actionnaire institutionnel de Bellus Santé a vendu un important bloc d’actions un mois avant que le titre de la biopharmaceutique de Laval s’écrase en Bourse au début de juillet.

L’action de Bellus a perdu 72 % de sa valeur le 6 juillet après le dévoilement de résultats d’essais cliniques mitigés.

Les 9 et 10 juin, la firme new-yorkaise OrbiMed a vendu pour quelque 20 millions de dollars US d’actions de Bellus.

OrbiMed a informé les autorités boursières de sa transaction de vente quatre jours après la chute du titre dans une déclaration datée du 10 juillet.

La vente d’actions a abaissé la participation d’OrbiMed à 8,5 %. En passant sous la barre des 10 %, OrbiMed n’a plus à informer le marché si elle vend d’autres blocs d’actions. Il n’a pas été possible de savoir si d’autres blocs d’actions avaient été vendus par OrbiMed depuis le début du mois de juillet.

OrbiMed n’a pas donné suite aux messages laissés par La Presse.

Dans sa déclaration datée du 10 juillet, OrbiMed soutient avoir amorcé le mois de juillet avec 5,1 millions d’actions. Au cours boursier actuel, cette participation ne vaut plus que 13 millions US si OrbiMed n’a pas effectué de transaction sur Bellus depuis le 1er juillet.

OrbiMed a ainsi vendu près de 30 % de ses actions de Bellus. « C’est un fonds privé d’investissement. La valeur de leurs actions avait triplé, indique le PDG de Bellus, Roberto Bellini, dans un entretien avec La Presse. C’est normal qu’ils aient vendu une portion. Ils ont gardé la majorité de leurs actions. Ils m’ont indiqué qu’ils étaient des actionnaires à long terme. »

Le PDG assure que personne n’a eu d’information un mois d’avance sur le résultat des essais cliniques. « L’action avait monté. OrbiMed avait peut-être atteint un objectif fixé », ajoute-t-il.

« Nous avons eu les résultats quelques jours seulement avant l’annonce », dit Roberto Bellini. Les essais cliniques ont duré un peu plus d’un an.

Pour OrbiMed, qui avait un siège au conseil d’administration de Bellus jusqu’en mai, selon l’entreprise, c’est une transaction fort opportune. Mais Louis Doyle, président de l’organisme Québec Bourse — et lui-même administrateur d’entreprises —, ne s’en formalise pas.

Il estime qu’un mois entre la transaction d’initié et l’annonce des résultats constitue un délai important. « Il peut se passer beaucoup de choses en un mois », dit-il à La Presse. Selon lui, il est tout à fait plausible que le conseil d’administration n’ait eu aucune idée de la teneur des résultats.

Les membres du conseil ne savaient peut-être même pas non plus quand les résultats allaient être publiés. [Je présume] qu’une institution d’envergure ne prendrait pas [le risque] de se départir d’un bloc d’actions avant une nouvelle en étant au courant de la nouvelle.

Louis Doyle, président de l’organisme Québec Bourse

L’Autorité des marchés financiers n’a pas souhaité se prononcer. « Notre équipe de surveillance des marchés est là pour analyser les mouvements des marchés, à l’instar de celui-ci. Nous ne pouvons en dire plus », a simplement indiqué le porte-parole, Sylvain Théberge.

« Si j’étais l’AMF, je ne suis pas certain que j’ouvrirais un dossier là-dessus, à moins de recevoir une plainte d’une personne qui a des raisons de croire qu’OrbiMed était au courant des résultats au moment de transiger », ajoute Louis Doyle.

Changement au conseil

En vertu d’une entente signée en 2018 avec Bellus, OrbiMed avait obtenu le droit d’avoir un représentant au sein du conseil d’administration de Bellus tant qu’elle détenait une participation en actions supérieure à 10 %. Chau Khuong, associé chez OrbiMed, a quitté le conseil de Bellus, indique le PDG de Bellus, Roberto Bellini.

« Il siège à plusieurs conseils et Bellus avait déjà accompli beaucoup de choses. De son côté, il [Chau Khuong] avait l’impression d’avoir fait son devoir comme membre du conseil », ajoute-t-il.

Personne ne l’a depuis remplacé au sein du conseil.

Une molécule qui fonctionne, assure le PDG

Roberto Bellini soutient par ailleurs que Bellus est en possession d’une molécule qui fonctionne. « Ça fonctionne beaucoup mieux chez les patients qui toussent plus. »

Les investisseurs peuvent maintenant s’attendre à avoir sous peu des précisions sur les prochains essais cliniques, qui doivent débuter à la fin de l’année.

« Quelles doses, combien de temps les essais dureront, etc. On travaille là-dessus en ce moment. Dans un mois, on devrait être prêts à donner plus d’informations aux marchés financiers », dit Roberto Bellini.

Bellus tente de développer un médicament contre la toux chronique. Le 6 juillet, la direction avait fait savoir que son essai de phase 2 n’avait pas atteint le seuil de signification statistique pour ce qui est du principal critère d’évaluation : la réduction de la fréquence de la toux en état d’éveil. Une réduction « cliniquement et statistiquement significative » de la fréquence de la toux a cependant été obtenue auprès d’un sous-groupe de patients présentant une fréquence de toux élevée.

Le président du conseil de Bellus, Francesco Bellini, a acheté 116 000 actions de l’entreprise depuis le 6 juillet. Un autre membre du conseil de Bellus, Pierre Larochelle, a pour sa part acheté un bloc de 55 000 actions le 13 juillet.