(OTTAWA) Loin de nuire à l’industrie de l’aluminium au Canada, la décision du département du Commerce américain d’instaurer un mécanisme de surveillance des exportations vers les États-Unis pourrait s’avérer salutaire pour les entreprises du Québec et permettre de consolider leurs acquis, estime le Bloc québécois.

Car au final, ce mécanisme représente un moyen essentiel pour empêcher le dumping de l’aluminium chinois sur le territoire nord-américain, selon les députés bloquistes Alexis Brunelle-Duceppe et Mario Simard, qui représentent deux régions où sont situées les principales entreprises de l’aluminium au pays.

D’ailleurs, le Bloc québécois avait exercé de fortes pressions sur le gouvernement Trudeau en décembre dernier, alors que l’adoption de la nouvelle mouture de l’ALENA (ACEUM) faisait l’objet de tractations entre les libéraux et les partis de l’opposition, pour qu’un tel mécanisme de surveillance soit inséré dans le nouvel accord.

Le Canada s’est déjà doté d’un mécanisme de surveillance qui est entré en vigueur le 1er septembre dernier pour démontrer à son voisin américain qu’il veillait au grain pour stopper le dumping de l’aluminium chinois. Les États-Unis s’apprêtent donc à lui emboîter le pas. Il ne restera plus qu’au Mexique d’en faire autant — pays par lequel arrive l’aluminium chinois utilisé dans la fabrication des voitures, entre autres. Le régime de surveillance pour ce secteur serait calqué sur celui en vigueur pour le secteur de l’acier.

Il y a maintenant un principe de traçabilité qui prend forme et qui permettra de savoir si la Chine fait du dumping en Amérique du Nord. En mettant ce mécanisme en place, les Américains se trouvent à nous donner un sacré coup de pouce et on va demeurer les principaux producteurs en Amérique du Nord.

Mario Simard, député bloquiste de Jonquière

« C’est ce que le Bloc demandait. Ils ont fait une version USA de ce que l’on demandait pour l’ACEUM. Nous avons déjà ce mécanisme-là. Ils vont le mettre en branle aux États-Unis. Cela va avoir pour effet de mettre de la pression sur le Mexique et faire en sorte que le dumping de la Chine et, dans une moindre mesure, de la Russie et de l’Inde, sera surveillé », a abondé son collègue bloquiste de Lac-Saint-Jean, Alexis Brunelle-Duceppe.

SURVEILLANCE

Ironiquement, le département du Commerce américain a décidé de mettre sur pied un mécanisme de surveillance après que l’American Primary Aluminum Association (APAA) eut exercé des pressions sur l’administration Trump et mené une campagne médiatique dans laquelle elle a dénoncé une prétendue hausse des exportations canadiennes d’aluminium aux États-Unis.

La décision du département du Commerce américain a d’ailleurs été saluée par l’APAA dans un communiqué publié lundi. « Ce mécanisme, une fois en vigueur, fournira un outil efficace pour identifier rapidement les hausses des importations et l’évasion des tarifs qui menacent l’industrie américaine de l’aluminium. À titre d’exemple, ce mécanisme aurait permis de relever rapidement la hausse des importations canadiennes », a soutenu Mark Duffy, président et directeur général de l’APAA, dans ce communiqué.

Or, les données utilisées par l’APAA faussent la réalité, selon une source canadienne. « L’industrie américaine manipule totalement les données. Par exemple, ils ont comparé le mois de novembre, marqué par la grève ferroviaire au CN et des expéditions massivement en baisse, avec le mois de décembre, lorsque la grève était terminée et qu’il y avait beaucoup de commandes en attente », a souligné cette source.

MM. Simard et Brunelle-Duceppe estiment d’ailleurs que la campagne de l’APAA va simplement se retourner contre elle, même si ses attaques contre l’industrie canadienne de l’aluminium ont été reprises à son compte par l’ancien gouverneur de l’Arkansas Mike Huckabee, dans un texte publié récemment dans le quotidien Washington Times.

L’APAA représente seulement deux des entreprises d’aluminium aux États-Unis, soit Century et Magnitude 7, lesquelles comptent moins de 3 % de tous les emplois de l’industrie. La société Glencore, qui est propriétaire de Century, mène pour sa part une guerre des tarifs contre le Canada depuis deux ans.

« Il faut quand même faire attention à ce petit lobby américain. Il peut être dérangeant en période électorale. Mais le mécanisme comme tel, c’était le souhait du Bloc québécois et c’était le souhait des travailleurs et des travailleuses de l’aluminium aussi », a ajouté M. Brunelle-Duceppe.