(New York) Wall Street a terminé dans la tourmente jeudi une rude journée pour les indices boursiers mondiaux, qui se dirigent vers leur pire semaine depuis la crise de 2008 face à la propagation de l’épidémie de nouveau coronavirus à travers la planète.

Indice vedette de la Bourse de New York, le Dow Jones Industrial Average a dégringolé de 4,42 % à 25 766,64 points.

Le NASDAQ, à forte coloration technologique, a plongé de 4,61 % à 8566,48 points.

Le S&P 500, qui représente les 500 plus grandes entreprises de Wall Street, s’est lui affaissé de 4,42 % à 2978,76 points. C’est la première fois qu’il repasse sous la barre des 3000 points depuis octobre.

En abandonnant plus de 10 % depuis le début de la semaine, la place new-yorkaise est entrée en zone de correction.

Alors que le Dow Jones avait encore atteint un record, il y a deux semaines, et le S&P 500 et le NASDAQ la semaine dernière, Wall Street s’achemine vers ses pires pertes hebdomadaires depuis l’automne 2008, au faîte de la crise financière mondiale.

La Bourse de New York a évolué dans le rouge toute la séance de jeudi, accentuant sa chute peu avant la clôture.

À la Bourse de Toronto, l’indice de référence plongeait pour une cinquième séance consécutive, avant que ses activités ne soient interrompues prématurément.

L’indice composé S&P/TSX du parquet torontois rendait 324,48 points, soit 1,9 %, à 16 717,44 points avant que les opérations soient interrompues, à 13 h 54, en raison d’un problème technique. Le TSX affiche une baisse de 7 % par rapport à son record de la semaine dernière.

Sur le marché des devises, le dollar canadien s’est négocié au cours moyen de 74,84 cents US, en baisse par rapport à son cours moyen de 75,15 cents US de la veille.

À la Bourse des matières premières de New York, le cours du pétrole brut a perdu 1,64 $ US à 47,09 $ US le baril, tandis que celui de l’or a reculé de 60 cents US à 1642,50 $ US l’once. Le prix du cuivre a perdu 0,2 cent US à 2,57 $ US la livre.

Si cette dégringolade se poursuit vendredi, il s’agirait de sa plus forte perte hebdomadaire depuis le pic de la crise financière mondiale à l’automne 2008.

Mis à rude épreuve depuis lundi, les marchés européens ont aussi tous fini en forte baisse : de Paris (-3,32 %) à Londres (-3,50 %), de Francfort (-3,19 %) à Madrid (-3,55 %) ou encore Amsterdam (-3,75 %).

En une semaine, l’Euro Stoxx, l’indice boursier rassemblant des grandes valeurs de la zone euro, affiche désormais près de 10 % de recul (-9,60 %).

Tokyo avait donné le ton en tout début de journée jeudi avec un repli de plus de 2 % face aux menaces grandissantes que fait peser la crise sanitaire sur l’organisation des Jeux olympiques.

Et signe d’une ruée des investisseurs vers les actifs jugés plus sûrs, le taux à 10 ans sur les bons du Trésor américains a décliné jusqu’à 1,2408 % en cours de séance, un niveau jamais vu. Le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne a de son côté reculé à-0,54 %, un plus bas depuis octobre 2019.

Plans d’urgence

« On n’a pas encore de réponses et on ne va pas en avoir pendant un certain temps, sans doute pas avant deux à quatre semaines », remarque Maris Ogg, gestionnaire de portefeuilles pour Tower Bridge Advisors. « Plus il y aura d’infections liées au coronavirus, plus on risque de rester en zone de correction », poursuit-elle.

« L’environnement de marché est assez déprimé. Il n’a pas encore cédé à la panique, mais il y a des premiers signes de capitulations d’investisseurs », estime pour sa part Andrea Tuéni, analyste de Saxo Banque.

« On est en train d’enregistrer la pire semaine depuis 2008 sur les marchés. En variation hebdomadaire et en vitesse du mouvement, c’est assez similaire à ce qu’on a pu connaître en 2008 », décrit le spécialiste.

Outre les inquiétudes croissantes liées au coronavirus, les marchés affrontent des « vents de panique sur des seuils techniques » qui entraînent « des ventes forcées », c’est-à-dire intervenant automatiquement en se basant sur des algorithmes, explique à l’AFP Laurent Gaetani, gérant chez Degroof Petercam.

Le nouveau coronavirus a contaminé plus de 82 000 personnes et fait plus de 2800 morts dans une cinquantaine de pays et territoires. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé jeudi que l’épidémie avait atteint un « point décisif » et a appelé les pays à agir « rapidement » pour endiguer ce « virus très dangereux ».

Face à cette diffusion, plus personne ne doute de l’impact de l’épidémie sur la croissance mondiale, même s’il est encore difficile à évaluer.

D’ores et déjà, nombre d’entreprises ont révisé leurs objectifs à la baisse ou fait montre de prudence en faisant sans aucune ambiguïté le lien avec le coronavirus, à l’instar de la banque Standard Chartered, du numéro un mondial de la bière AB InBev, du groupe aérien Air France-KLM ou du géant de l’informatique Microsoft.

Signe des mesures drastiques prises par les entreprises, Facebook a annoncé jeudi l’annulation de sa conférence annuelle des développeurs prévue pour début mai.

Des plans d’urgence avec financement immédiat sont prêts à être déployés, notamment par le Fonds monétaire international (FMI), pour venir en aide aux pays qui ne parviendraient pas à faire face à une épidémie du nouveau coronavirus.

Dans l’Union européenne, Bruxelles envisage de proposer dans un mois, si c’est nécessaire, « des mesures d’accompagnement » aux secteurs économiques fragilisés par le coronavirus, a indiqué jeudi le commissaire européen à l’Industrie, Thierry Breton.

« Une réponse de politique monétaire est possible, les marchés jouent avec l’idée de baisse des taux aux États-Unis » pour soutenir l’économie, écrit aussi La Banque Postale Asset Management dans une note.

3M surnage

Dans une note diffusée jeudi, les analystes de Goldman Sachs anticipent désormais que les entreprises américaines ne connaîtront pas de croissance de leurs bénéfices en 2020 si le coronavirus continue sa progression.

« La révision à la baisse de nos prévisions reflète le fort déclin de l’activité économique chinoise au premier trimestre, la baisse de la demande pour les exportateurs américains, la perturbation de la chaîne d’approvisionnement, le ralentissement de l’activité économique américaine et une incertitude renforcée », écrivent-ils.

Signe des mesures drastiques prises par les entreprises face au coronavirus, Facebook (-3,8 %) a annoncé jeudi l’annulation de sa conférence annuelle des développeurs prévue pour début mai.

Microsoft (-7,1 %) a pour sa part émis mercredi un avertissement sur résultats, indiquant qu’il ne tiendrait pas ses objectifs de vente trimestriels pour Windows et sa gamme d’ordinateurs Surface à cause des retards dans la production provoqués par le coronavirus.

Seule entreprise du Dow Jones à terminer en territoire positif, 3M, qui fabrique des masques de protection, a pris 0,8 %, profitant de l’explosion de la demande.

Les géants Apple (-6,5 %), Coca Cola (-4,6 %) et Boeing (-5,8 %) ont en revanche tout fortement baissé.

– Avec La Presse canadienne