La crise sanitaire a provoqué des ondes de choc à répétition dans l’économie. De la panique boursière de mars et avril jusqu’au rebond à des niveaux records suscité par l’arrivée des vaccins, ce fut « l’année de tous les extrêmes », de l’avis de professionnels des marchés financiers. La Presse Affaires a retracé quelques-uns de ces « extrêmes » qui ont marqué l’année 2020.

13 % de moins en une seule journée pour le Dow Jones

Après un début d’année plutôt favorable, les principaux indices boursiers se sont brusquement effondrés fin mars, alors que les investisseurs s’effrayaient du début de la pandémie de nouveau coronavirus et de ses conséquences sur l’économie mondiale. Sur la Bourse américaine, durant la seule séance du 16 mars, les deux principaux indices de référence, le Dow Jones et le S&P 500, ont plongé de 13 % et de 12 %, respectivement. Sur la Bourse canadienne, l’indice S&P/TSX a reculé de 9,8 % en ce 16 mars, mais c’était quelques jours après deux chutes journalières de 12 % et de 10 %. Pour le légendaire indice Dow Jones, il s’agissait de la pire séance de son histoire après la Grande Dépression de 1929 et le krach boursier d’octobre 1987. Il n’a fallu que 16 séances de négociation pour que le Dow Jones s’enfonce de plus de 20 % en marché baissier, ou bear market dans le jargon boursier. Pour sa part, l’indice S&P 500 a perdu le tiers de sa valeur (- 34 %) en seulement 33 jours de négociation après la mi-mars. C’était du jamais-vu dans l’histoire de la Bourse américaine, d’autant que les replis antérieurs d’une telle ampleur s’étaient allongés sur une dizaine de mois.

Plus 80 % en six mois pour les géants technos

Après le krach de la fin mars, lors du premier confinement, les principaux indices de la Bourse américaine se sont mis assez rapidement en mode de redressement, devançant même la réouverture progressive des activités économiques. Les titres moteurs de ce redressement se sont avérés être les entreprises géantes de la technologie numérique et de l’internet d’usage public et commercial. Sur une période d’à peine six mois, d’avril à septembre, les actions d’Alphabet (société mère de Google), de Facebook, d’Amazon, de Microsoft et d’Apple se sont appréciées de 80 % en moyenne. Manifestement, ces entreprises sont perçues par les investisseurs comme les grandes gagnantes des changements provoqués par le télétravail et le confinement à domicile de centaines de millions de travailleurs. Cette poussée s’est ensuite propagée parmi les autres principaux secteurs des marchés boursiers nord-américains, au fur et à mesure que les indicateurs économiques se relevaient de la brutale récession due à la pandémie. Cette poussée a mené les indices à de nouveaux records à la mi-décembre, avec l’indice Dow Jones clôturant à plus de 30 000 points, et l’indice S&P 500 à plus de 3700 points. Survenu en huit mois seulement, ce redressement d’un bear market vers de nouveaux records s’avère le plus rapide de l’histoire de la Bourse américaine.

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Sur une période d’à peine six mois, d’avril à septembre, les actions d’Alphabet (société mère de Google), de Facebook, d’Amazon, de Microsoft et d’Apple se sont appréciées de 80 % en moyenne sur les marchés boursiers.

« L’indice de la peur » à un niveau record

Dès les premières semaines de mars, les principaux indices des marchés boursiers ont été secoués à la baisse et à la hausse comme jamais auparavant. À preuve, l’indice de volatilité VIX sur le marché des options de Chicago, surnommé « l’indice de la peur » ou fear index dans le milieu boursier, a atteint un sommet historique de 85 points à la mi-mars. C’était juste après les chutes historiques de 12 % et de 13 % en une seule séance subies par les deux principaux indices de la Bourse américaine. Le précédent record de l’indice VIX, soit 59,8 points, remontait au 31 octobre 2008, au pire de la crise bancaire et financière qui engendra la Grande Récession de 2009 aux États-Unis. Parmi les autres chiffres-témoins de cette volatilité record en Bourse durant les premiers mois du choc économique de pandémie, des analystes de marché ont noté que des mois de mars à septembre, l’indice Dow Jones a enregistré 14 de ses 17 plus grandes pertes de points en une seule session. Durant cette même période, le Dow Jones a aussi enregistré huit de ses neuf plus grands gains de points en une seule journée de toute son histoire centenaire.

Le pétrole en territoire négatif !

Le 20 avril, à la stupéfaction générale, les contrats à terme sur le pétrole de référence aux États-Unis, le West Texas Intermediate (WTI), ont atteint - 37 $ US le baril. Même très bref, ce passage de la cote du WTI en valeur négative signifiait que les producteurs pétroliers devaient payer les acheteurs pour qu’ils prennent livraison de leur produit. Quelle explication pour une telle débâcle ? En quelques semaines à peine, le choc a fait baisser la demande de pétrole de près de 10 millions de barils par jour. Les producteurs mondiaux de pétrole étant incapables de s’ajuster aussi rapidement à une forte chute de la demande, l’offre de pétrole s’est vite retrouvée largement excédentaire, jusqu’à saturer toutes les capacités de stockage disponibles dans les principaux marchés pétroliers. Ensuite, lorsque de grands négociants de pétrole ont commencé à ne plus être en mesure de prendre livraison de leur produit acquis par contrats, leur empressement à se débarrasser de ces contrats à terme à tout prix, même négatif, a culminé avec une violente tornade de panique sur le marché pétrolier, le 20 avril.

Les matériaux de construction atteignent un plafond

Dans le marché nord-américain du bois d’œuvre pour la construction, la situation a aussi engendré un contexte de volatilité sans précédent dans les capacités de production et dans les stocks disponibles pour livraison sur les chantiers. Le prix du bois d’œuvre a aussi été très volatil. Après un recul sous les 260 $ US le millier de pieds-planche, lors du Grand Confinement en avril, le prix du bois d’œuvre a plus que triplé durant les cinq mois suivants, jusqu’à établir un nouveau record de 928 $ US le millier de pieds-planche début septembre. Quelle explication ? Après l’arrêt forcé du printemps, la construction de maisons unifamiliales aux États-Unis et au Canada a repris en grand afin de répondre à la forte demande. S’y est ajouté un boom de travaux de rénovation et d’agrandissement résidentiel par les propriétaires et les ménages déjà confinés à domicile par les restrictions sanitaires de la pandémie. Cette forte hausse de la demande pour le bois d’œuvre s’est traduite par des ruptures de stock momentanées pour certains produits et une inflation des prix à des niveaux records. Dans l’industrie de la construction résidentielle et du bois d’œuvre, les prévisions de la demande demeurent fortes pour l’an prochain. À preuve, l’entreprise canadienne Norbord, qui est l’un des plus gros producteurs de panneaux de bois au monde, annonçait récemment qu’elle allait redémarrer son usine de Chambord, au Lac-Saint-Jean, après quatre ans d’arrêt de production. Norbord prévoit le rappel au travail de 120 employés jusqu’à la « pleine opération » de l’usine.

— Avec Refinitiv, l’Agence France-Presse et Bloomberg News