Plus de 700 millions en capitalisation s’envolent, un recul de 72 % pour l’entreprise dirigée par la famille Bellini

La société biopharmaceutique lavalloise Bellus Santé est sévèrement punie par les investisseurs après la présentation de résultats cliniques mitigés, voire décevants. L’entreprise dirigée par Roberto Bellini a perdu 72 % de sa valeur boursière lundi : plus de 700 millions en capitalisation boursière se sont envolés.

Bellus développe un médicament contre la toux chronique et de nouveaux résultats de tests cliniques étaient attendus avec intérêt lundi matin — l’action de l’entreprise avait quadruplé en un peu plus d’un an. La capitalisation boursière de Bellus avait même dépassé le milliard de dollars au printemps.

Elle s’élève ce matin à 272 millions. Bellus a fait savoir que son essai de phase 2 n’a pas atteint le seuil de signification statistique pour ce qui est du principal critère d’évaluation : la réduction de la fréquence de la toux en état d’éveil. Une réduction « cliniquement et statistiquement significative » de la fréquence de toux a cependant été obtenue auprès d’un sous-groupe de patients présentant une fréquence de toux élevée. Le PDG Roberto Bellini n’était pas disponible lundi pour discuter des résultats avec La Presse.

Dans un communiqué, il juge néanmoins « concurrentielles » certaines données obtenues. S’il aurait espéré constater une réponse plus importante chez les patients présentant une faible fréquence de toux, Roberto Bellini croit que les données permettent de faire passer le produit candidat à l’étape suivante pour les patients présentant une fréquence de toux plus élevée. L’entreprise prévoit commencer l’essai vers la fin de l’année. L’enjeu est grand puisque le produit candidat — baptisé BLU-5937 — est l’unique produit de Bellus à l’étape d’essais cliniques.

Power et le Fonds FTQ parmi les principaux actionnaires

Le conglomérat montréalais Power Corporation (16,4 %) et le Fonds de solidarité FTQ (5,4 %) comptent parmi les principaux actionnaires de l’entreprise de Laval. Avec ses 3,26 millions d’actions, la séance boursière de lundi signifie une perte de valeur théorique de presque 40 millions pour le Fonds FTQ, par rapport au cours de vendredi.

Bellus est une société sérieuse, dirigée par une bonne équipe, notamment Roberto Bellini. La direction travaille sur un nouveau plan, à savoir tester le médicament sur une sous-population, une stratégie courante lorsqu’il ne fonctionne pas d’entrée de jeu sur une large population. Nous suivrons les résultats de près.

Johanne Bissonnette, porte-parole du Fonds FTQ

Le docteur Francesco Bellini — derrière le grand succès de BioChem Pharma dans les années 90 — et son fils Roberto sont aussi d’importants actionnaires de Bellus. Président du conseil d’administration, Francesco Bellini a profité de la chute boursière de lundi pour augmenter sa participation. Il a acheté un peu plus de 100 000 actions additionnelles de Bellus durant la journée de lundi, révèlent des documents déposés auprès des autorités réglementaires.

« Toujours dans la course »

Malgré le revers de fortune, « Bellus est toujours dans la course », soutient l’analyste David Martin, de la firme Bloom Burton, mais « avec un risque substantiellement plus élevé ».

Il estime maintenant que la taille du marché potentiel est réduite. Conséquemment, il retire sa recommandation d’achat et ramène son cours cible à 5 $ alors que sa cible précédente était à 14 $.

David Martin voit néanmoins un potentiel pour des résultats positifs en phase 3 en raison notamment d’un échantillon qui sera plus large. « Le médicament peut encore être concurrentiel bien qu’un positionnement de leader devient plus difficile à envisager. »

Chez Jefferies, l’analyste Suji Jeong révise aussi considérablement ses attentes. Sa cible de 20 $ passe à 6 $.

Je vois un potentiel important si la prochaine phase est couronnée de succès. L’opportunité à saisir avec la toux chronique est suffisamment importante même avec une pénétration de marché modeste.

 Suji Jeong, analyste chez Jefferies

Suji Jeong souligne que les données démontrent un bénéfice clair chez les patients présentant une fréquence de toux élevée.

Bellus souligne que selon les estimations, environ 26 millions d’adultes aux États-Unis souffrent de toux chronique — une toux qui persiste plus de huit semaines.

Le produit de Bellus est conçu pour réduire la toux chronique tout en préservant la fonction du goût.

De BioChem Pharma à Bellus

L’entrepreneur québécois Francesco Bellini est bien connu dans le secteur de la santé. Il avait cofondé BioChem Pharma en 1986 avant sa vente à Shire pour 6 milliards en 2001. Il s’est par la suite tourné vers Neurochem, qui tentait de développer un médicament contre l’alzheimer. Après un bon départ, Neurochem avait piqué du nez en Bourse en 2007 après que les autorités américaines eurent jugé les résultats obtenus insuffisants pour traiter l’alzheimer. Neurochem avait par la suite changé de nom pour Bellus Santé.