(Londres) Les prix du pétrole ont continué à s’enfoncer lundi, le Brent à Londres et le WTI à New York chutant à leurs plus bas niveaux depuis début 2002.

Ce plongeon est la conséquence directe de la chute de la demande en or noir liée aux ravages de la pandémie de coronavirus et de la guerre des prix que se livrent l’Arabie saoudite et la Russie.  

Cette dernière a été ravivée lundi par Riyad, qui a annoncé son intention de porter ses exportations pétrolières au niveau record de 10,6 millions de barils par jour à partir du mois de mai.

Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai a clôturé à 22,76 dollars, en baisse de 8,7 %. Il est tombé jusqu’à 21,65 dollars dans la journée.

Le baril américain de WTI pour le même mois a pour sa part effectué plusieurs incursions sous la barre symbolique des 20 dollars, dégringolant jusqu’à 19,27 dollars en séance. Il a finalement terminé en baisse de 6,6 % à 20,09 dollars.

Depuis le début de l’année, les deux cours de référence ont quasiment été divisés par trois.

« Cela reflète la prise de conscience croissante que la demande de pétrole est en train de s’effondrer, probablement de beaucoup plus que les 20 % que nous avions prévus pour avril et mai », ont estimé les analystes de JBC Energy.

La demande de brut subit de plein fouet la crise sanitaire et les mesures drastiques mises en place par les États pour enrayer la propagation du virus, limitant très fortement les déplacements des marchandises et des personnes.

Plus de 3,38 milliards de personnes sont ainsi appelées ou astreintes par leurs autorités à rester confinées chez elles, soit environ 43 % de la population mondiale, selon un décompte réalisé à partir d’une base de données de l’AFP.

Discussion Trump-Poutine

Dans le même temps, « il n’y a toujours aucun signe de réconciliation entre l’Arabie saoudite et la Russie », a observé Eugen Weinberg, de Commerzbank.

Les deux pays qui figurent parmi les trois principaux producteurs mondiaux de brut sont engagés dans une guerre des prix depuis l’échec de leurs négociations au début du mois de mars dans le cadre de l’accord OPEP+.

Cette entente lie jusqu’à mardi les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et dix pays alliés, dont la Russie, qui a refusé de limiter encore plus sa production. À partir de mercredi, ils pourront tous pomper autant qu’ils le souhaitent.

Les présidents russe et américain, Vladimir Poutine et Donald Trump, ont évoqué lundi par téléphone l’état actuel du marché mondial du pétrole et ont convenu de « consultations russo-américaines » sur le sujet entre ministres de l’Énergie, a annoncé le Kremlin.

L’Arabie saoudite, qui prévoit de faire passer ses exportations d’environ 7 millions de barils par jour sous l’accord à 10,6 millions, estime sans doute « qu’avec les réserves les plus importantes de brut et le bas coût de sa production, elle va gagner » la guerre des prix, remarque Andre Lebow de Commodities Research Group.  

Riyad cherche à « pousser à la faillite certains producteurs, membres ou non de l’OPEP » et à éventuellement profiter d’une moindre concurrence dans les mois à venir, ajoute-t-il : les prix pourraient monter d’autant plus qu’ils commenceront à vraiment rebondir, en 2021 et 2022.  

Les premières « victimes du différend » entre Moscou et Riyad pourraient bien être les producteurs américains, rappelle Craig Erlam, de Oanda.

Le prix de revient diffère pour chaque entreprise, mais, selon les analystes de JPMorgan Chase, il se situe à environ 45 dollars le baril dans le bassin Midland au Texas et à environ 55 dollars dans le bassin du Delaware, soit bien au-dessus des cours actuels.

« Même si les États-Unis continuent de pomper des quantités presque record, les données des dernières plateformes pétrolières suggèrent que cela ne durera peut-être pas beaucoup plus longtemps », a conclu M. Erlam.