Boeing a vécu une autre journée difficile en Bourse, hier. Au-delà de la chute de 3,8 % de son titre, qui porte le total à plus de 10 % de pertes depuis vendredi, l’entreprise a pour la première fois semblé perdre la confiance de Wall Street.

Jeudi, Boeing a remis à la Federal Aviation Administration (FAA) américaine des messages textes entre deux de ses employés qui laissent croire que l’entreprise était au courant dès 2016 de certaines difficultés avec le système MCAS des Boeing 737 MAX. Ce système a été montré du doigt dans deux écrasements ayant causé 346 morts. Ces messages ont été rendus publics vendredi et ont été à l’origine de la pire journée boursière de Boeing en plus de deux ans.

Réponse non satisfaisante

Quelques journées de réflexion supplémentaires et des explications publiées dimanche par Boeing n’ont pas apaisé Wall Street, au contraire. Au moins trois analystes ont émis des avis négatifs sur l’entreprise hier.

Dans son message, Boeing fait valoir que les difficultés énoncées par les employés dans ces messages textes après des essais en simulateur concernaient le simulateur lui-même plutôt que le système MCAS.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Légende

« Nous ne sommes pas certains que les déclarations de Boeing durant la fin de semaine s’adressent adéquatement à la situation », note Robert Spingarn, de Credit Suisse, dans sa note diffusée hier. Le système MCAS, relève-t-il, a par la suite bel et bien démontré ses défectuosités.

Résultat de ces avis négatifs, l’action de Boeing a encore cédé 3,8 % hier. En deux jours, sa capitalisation boursière a ainsi fondu de plus de 21 milliards de dollars.

« Indéfendable »

« Nous ne pouvons plus défendre l’action à la lumière de ces plus récentes découvertes, qui augmentent significativement le profil de risque pour les investisseurs », a écrit hier M. Spingarn.

La firme Baird, elle, a publié un rapport intitulé « La longue route vers le retour est devenue encore plus difficile, nous nous retirons à cause du ‟textgate” ». Ce « textgate », le dévoilement des messages textes, « augmente pour la FAA et d’autres autorités (dont l’EASA européenne) le risque de faire la manchette avec le processus de certification de l’appareil ». La possibilité qu’une telle certification survienne avant la fin de l’année, comme le soutient encore officiellement Boeing, « semble beaucoup plus improbable », poursuit Baird.

Impact financier

En se basant sur les radiations déjà annoncées par Boeing, Credit Suisse estime à 800 millions de dollars par mois l’impact financier pour Boeing de l’interdiction de vol des 737 MAX. En vertu des plus récentes informations, la firme juge improbable un retour avant la mi-février, dans quatre mois. Ce sont donc 3,2 milliards US qui s’ajouteraient aux 5,6 milliards de radiation déjà annoncés, calcule-t-on, pour porter le total à 8,8 milliards.

C’est l’une des raisons pour lesquelles Credit Suisse a décidé de ramener son prix cible pour l’action de Boeing de 416 $ à 323 $. Baird, de son côté, l’a ramenée de 445 $ à 342 $. L’action a terminé la journée d’hier à 331 $.

Selon Baird, les flux de trésorerie libres dégagés par Boeing au cours des trois prochaines années (2020-2022) pourraient être réduits d’environ 6 milliards US, passant de 50,4 à 44,1 milliards US (près de 58 milliards de dollars canadiens).

Des nouvelles demain

Boeing doit dévoiler demain ses résultats financiers trimestriels les plus récents.

« Nous ne serions pas surpris que soit annoncée une pause à court terme ou une baisse du rythme de production » du 737 MAX, juge Robert Spingarn.

Après l’interdiction de vol, Boeing a ramené en avril de 52 à 42 le nombre de 737 MAX produits chaque mois, alors qu’elle s’apprêtait plutôt à l’augmenter à 57. Les appareils neufs s’empilent depuis ce temps dans le stationnement de ses usines de la région de Seattle.

« Nous estimons qu’une réduction ou une pause additionnelle pourrait durer un ou deux mois à compter de la mi-décembre pour profiter du fait que ce serait un peu plus facile pendant la période des Fêtes. »