Malgré les débuts compliqués et très médiatisés d'Uber et Lyft à Wall Street, les entreprises se pressent ces dernières semaines pour entrer à la Bourse de New York. Avec des destinées variées.

Les investisseurs ont injecté en mai plus de 17 milliards de dollars dans 32 sociétés faisant leurs premiers pas sur le New York Stock Exchange ou le NASDAQ, un record en près de cinq ans, selon le cabinet Dealogic.

Le début d'année avait pourtant été poussif, entre les remous des marchés financiers fin 2018 et la paralysie partielle des administrations qui avaient incité les startups à repousser leur arrivée sur les marchés.

Le rythme s'est accéléré à partir d'avril, malgré les premiers pas boursiers émaillés de difficultés de Lyft et Uber, plateformes mettant en relation des chauffeurs et des particuliers. L'action de Lyft évoluait encore jeudi soir plus de 20 % sous le prix fixé à son introduction et celle d'Uber à plus de 10 %.

L'opération a toutefois permis à Uber de lever 8,1 milliards de dollars et Lyft 2,3 milliards de dollars.  

Et dans leur ensemble, les entreprises ont plutôt réussi leur arrivée à Wall Street. Selon le cabinet américain Renaissance Capital, qui ne comptabilise que les sociétés ayant une valeur boursière supérieure à 50 millions de dollars, le nombre d'opérations depuis le début de l'année (60) est inférieur de 20 % à celui de 2018 à la même époque, mais le montant total des sommes levées est supérieur de 1,5 %.  

Record pour le secteur technologique

Le cabinet CBInsight estime de son côté que « les entreprises du secteur technologique soutenues par des sociétés de capital-investissement devraient lever en 2019 jusqu'à 138 milliards de dollars en entrant sur les marchés ». Ce qui serait un record.

Du point de vue des investisseurs achetant des titres en Bourse, la performance des nouveaux entrants est plutôt alléchante.  

Le fonds indiciel « Renaissance IPO », qui se base sur l'évolution des 80 % de sociétés cotées au cours des deux dernières années et affichant les meilleures performances, évoluait jeudi en hausse d'environ 30 % depuis le début de l'année. Contre seulement 11 % pour l'indice S&P 500, le plus représentatif à Wall Street.

« La majeure partie de ces gains sont liés au bond du premier jour, à l'instar de Beyond Meat qui a explosé de 163 % », remarque Matt Kennedy, de Renaissance Capital.

La start-up vegan, qui profite de l'engouement actuel pour les alternatives à la viande et du soutien de plusieurs célébrités - l'actrice Jessica Chastain était présente au NASDAQ le jour de son entrée en Bourse -, a depuis presque quadruplé son prix d'introduction.

Moins sous les feux de la rampe, d'autres parviennent aussi à tirer leur épingle du jeu, comme les sociétés proposant des logiciels Zoom et PagerDuty, qui ont plus que doublé leur valorisation depuis leurs débuts mi-avril.

Le secteur de la technologie n'est pas le seul en vogue. Le fabricant de produits chimiques Avantor a ainsi levé 2,9 milliards de dollars mi-mai et a vu son action progresser de 24 % depuis.  

Et selon Renaissance Capital, le secteur le plus actif depuis le début de l'année est celui de la santé (45 %), devant la technologie (22 %) et la finance (10 %).

Cette ruée sur Wall Street n'est pas étonnante.  

« Beaucoup d'entreprises sont restées privées pendant très longtemps », rappelle Nate Thooft, stratège pour Manulife Asset Management.  

Certaines ont délibérément choisi de rester le plus longtemps possible loin des fluctuations des marchés et de l'examen pointilleux des analystes et investisseurs.  

Et éviter ainsi d'être potentiellement la victime d'acteurs du marché tels que le cabinet Citron, réputé pour parier sur la chute d'entreprises dont il remet en cause la gestion. Jumia, le leader africain du commerce en ligne, doit faire face depuis son arrivée à Wall Street en avril à ses attaques répétées.

Elles ont toutes profité, avec la baisse des taux d'intérêt, de l'afflux d'argent sur les marchés de capitaux privés.  

Mais « après sept ou dix ans, les sociétés de capital investissement veulent tirer les fruits de leurs placements », estime Nate Thooft.

Slack, Airbnb, Palantir, WeWork... « Sauf à voir un écroulement de l'économie dans les prochains mois, on devrait continuer à voir un défilé de nouvelles introductions en Bourse », prédit-il.

PHOTO JOHANNES EISELE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le PDG d'Uber, Dara Khosrowshahi, en discussion avec des courtiers lors de l'entrée de la compagnie en bourse, le 10 mai.