(New York) Uber a de nouveau lourdement chuté à Wall Street lundi, une sortie de route inhabituelle pour une introduction en Bourse de cette importance qui reflète les nombreuses incertitudes entourant son modèle économique.

Après avoir déjà perdu 7,6 % vendredi au premier jour de cotation, le leader de la réservation de voitures avec chauffeur a fait pire lundi, cédant plus de 10 % pour finir à 37,10 dollars.

Même si la chute du titre a sans doute été aggravée par les tumultes que connaissent les marchés à cause du regain de tensions commerciales entre Pékin et Washington, l’ampleur de cette dégringolade montre néanmoins que le groupe, qui perd des sommes colossales depuis sa création il y a dix ans, a encore du chemin pour convaincre les investisseurs qu’il réussira un jour à devenir rentable.

Le patron d’Uber, Dara Khosrowshahi, a d’ailleurs prévenu lundi ses employés qu’il s’attendait « à des moments difficiles sur les marchés dans les mois qui viennent » pour le titre. Il a dans le même temps souligné, en guise d’encouragement et de consolation, que « les débuts de Facebook (2012, NDLR) et Amazon (1997) juste après leur entrée en Bourse (avaient) été incroyablement difficiles ».

A la clôture lundi, Uber valait environ 62 milliards de dollars en terme de valorisation boursière, loin des 100 milliards qu’il envisageait il y a encore un mois.

« Il est très inhabituel de voir une chute si rapide pour une entreprise d’une telle ampleur. Mais c’est une société dont la valeur est très difficile à établir et elle devrait subir de gros mouvements de yo-yo » dans l’avenir, a commenté Jay Ritter, spécialiste des entrées en Bourse à l’Université de Floride, qui note que Facebook, au moment de son introduction, était déjà profitable.

L’opération a été un « flop », a asséné quant à lui Nicholas Colas, cofondateur du cabinet DataTrek, relayant un sentiment assez partagé à Wall Street.

Dans un marché déjà fragilisé, l’onde de choc Uber a fait en outre une victime collatérale déjà bien éprouvée : Lyft a cédé lundi 5,75 %, après avoir déjà abandonné 7,4 % vendredi.  Depuis son introduction en Bourse le 29 mars, le grand rival d’Uber a vu partir en fumée le tiers de sa valeur boursière.

« L’entrée en Bourse d’Uber a été une pilule amère à avaler et a montré que les marchés financiers faisaient en fin de compte peu confiance à ce genre d’entreprises perdant beaucoup d’argent », a affirmé Nicholas Colas. « La raison est que leurs besoins en capitaux sont extrêmement imprévisibles », a-t-il ajouté.

« Lutte à mort »

Dans les documents boursiers publiés récemment, Uber avançait une prévision de chiffre d’affaires d’environ 3 milliards de dollars au premier trimestre 2019 et une perte proche de 1 milliard.

« Le problème, c’est qu’(Uber et Lyft) sont engagés dans une lutte à mort pour devenir la plateforme dominante du secteur », ont observé les analystes de Radio Free Mobile.  

Ces deux entreprises, qui détiennent à elles seules la quasi-totalité du marché de la mise en relation entre chauffeurs et particuliers aux États-Unis, inondent leur clientèle de promotions diverses. Cette fuite en avant financière, qui a pour objectif la conservation de leurs parts de marché, se fait au prix de leur rentabilité.  

L’ampleur de la chute d’Uber surprend aussi dans la mesure où le groupe basé à San Francisco, en Californie, avait déjà revu ses ambitions à la baisse en amont de son arrivée vendredi sur le New York Stock Exchange, échaudé par la déconvenue boursière de Lyft il y a six semaines.  Ces deux groupes comptent notamment sur la voiture autonome pour éliminer le coût des chauffeurs mais le chemin est encore long.

L’hémorragie boursière de Lyft et Uber pose désormais la question de leur avenir en Bourse.

« Jusqu’au moment où leur bataille sera terminée, il y a très peu de raisons d’investir dans une de ces deux entreprises. Tant qu’elles continueront à réduire leurs prix et à offrir des incitations aux chauffeurs, ces éléments nuiront à leur rentabilité », ont affirmé les analystes de Radio Free Mobile.

De nombreuses incertitudes planent également sur l’activité d’Uber : les menaces légales et réglementaires à travers le monde et les chauffeurs qui se sont mis en grève et ont manifesté dans plusieurs villes américaines la semaine dernière.