Pendant que Wall Street touchait des sommets la semaine dernière, la Bourse chinoise piquait du nez, plombée par les doutes croissants entourant la deuxième économie mondiale.

Les Bourses de New York et de Toronto ont flirté avec de nouveaux records ces derniers jours, portées par les résultats des entreprises, la promesse des banques centrales de laisser les taux d’intérêt au plancher et la confiance retrouvée des boursicoteurs.

Mais, à l’autre bout du monde, l’humeur des investisseurs est bien différente ces temps-ci.

La Bourse chinoise vient d’enregistrer cinq reculs d’affilée, ce qui porte les pertes pour la semaine de l’indice de référence de la Bourse de Shanghai (SSE composite) à - 6 %. Ce brusque repli mettait fin à une poussée d’environ 32 % du parquet de Shanghai depuis le début de 2019.

De toute évidence, les investisseurs chinois sont devenus soudainement très nerveux. Et pour cause.

Fini le soutien de Pékin

Essentiellement, ils craignent que les autorités chinoises ne retirent les mesures de soutien implantées à la hâte pour soutenir une économie malmenée en 2018 par la guerre commerciale avec les États-Unis.

Les investisseurs ont été secoués par les déclarations du bureau politique du Parti communiste et de la Banque centrale chinoise, il y a 10 jours, qui ont écarté une nouvelle baisse des taux d’intérêt ou d’autres mesures expansionnistes. Leur motif : le pays se porte mieux, disent-ils.

La Chine, faut-il le rappeler, a vu son économie se stabiliser au premier trimestre avec une croissance de 6,4 %, déjouant les pronostics alarmistes de la fin de 2018.

Nombre d’économistes craignaient jusque-là un atterrissage brutal du géant asiatique dans la foulée des tarifs douaniers du président américain Donald Trump et du ralentissement économique mondial.

Une économie sur les stéroïdes

Or, pour plusieurs experts, la performance chinoise au début de 2019 n’est rien d’autre qu’un mirage.

« Ils [le gouvernement chinois] regonflent artificiellement la croissance à coups de crédits », affirme Alicia Garcia-Herrero, économiste en chef à la Banque Natixis dans une note financière.

Alors que la Chine enregistrait l’an dernier sa plus faible croissance économique en 20 ans, à 6,6 %, les autorités de plus en plus inquiètes ont annoncé au début de 2019 des mesures de relance de grande ampleur avec plus de 2000 milliards de yuans (près de 400 milliards de dollars) de baisses des charges sociales et des impôts des entreprises.

Pékin a aussi, et surtout, ouvert les vannes du crédit.

La Banque centrale a assoupli sa politique monétaire, ce qui a entraîné une croissance du crédit de 40 % sur le seul premier trimestre, estime la Banque ING.

C’est sans compter que les taxes (TVA) ont été diminuées pour les produits industriels (de 16 % à 13 %) et pour le transport et le bâtiment (de 10 % à 5 %).

« Les Chinois ont mis près de 2 % de leur PIB en mesures de soutien fiscal sur la table et à peu près le même montant en soutien monétaire. C’est colossal », explique Paul Jackson, directeur de la recherche chez Invesco, cité par l’agence Reuters.

Alerte à l’endettement

Le problème, c’est que la capacité de Pékin de stimuler artificiellement l’économie chinoise diminue à mesure que s’accroît le niveau d’endettement déjà très élevé du pays.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Légende

Dans un rapport paru au début d’avril, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) signale d’ailleurs que si ces mesures de relance permettent d’éviter un « hard landing » de l’économie, elles n’en constituent pas moins un danger à moyen terme.

Les entreprises chinoises, en particulier, sont beaucoup trop endettées, martèle essentiellement l’organisme établi à Paris.

« Le ratio d’endettement des entreprises s’élève à 155 % du produit intérieur brut (PIB), c’est l’un des plus élevés du monde », constate le secrétaire général adjoint de l’OCDE, Ludger Schuknecht.

Pour ne rien arranger, la relance opérée par le gouvernement « risque d’amplifier la dette des entreprises » puisque l’État a assoupli les règles sur le crédit bancaire.

Bref, Pékin nourrit le dragon à grand renfort de crédit et de stéroïdes fiscaux. Et les boursicoteurs à Shanghai ne peuvent plus s’en passer.