La valeur boursière de SNC-Lavalin a sursauté de 13,8 % au lendemain de la réélection du gouvernement Trudeau, alors que les investisseurs semblaient encouragés par le maintien au pouvoir d’un gouvernement qui n’a pas fermé la porte à un accord de réparation pouvant permettre à la firme d’ingénierie de se libérer des accusations criminelles qui pèsent sur elle.

Ainsi, les investisseurs en actions de SNC-Lavalin ont semblé encouragés par les propos du ministre des Finances, Bill Morneau, qui a déclaré en entrevue à la chaîne d’informations financières canadienne BNN Bloomberg que le sort judiciaire de SNC-Lavalin est « un débat permanent que le ministre de la Justice devra avoir ».

Il y a environ un an, SNC-Lavalin avait été secouée par le refus de la direction des poursuites au ministère fédéral de la Justice de négocier un accord de réparation. Ce type d’accord prévoit l’abandon des accusations en échange notamment du paiement d’amendes élevées et de nombreuses conditions à respecter.

Or, depuis sa nomination en avril dernier, le ministre fédéral de la Justice David Lametti — réélu lundi dans sa circonscription montréalaise de LaSalle–Émard–Verdun — n’a jamais clairement écarté la possibilité qu’un accord de réparation puisse encore intervenir entre Ottawa et la multinationale.

Encore de l’espoir

De l’avis d’analystes, les investisseurs en actions de SNC-Lavalin estiment que le maintien du gouvernement libéral à Ottawa signifie qu’il y a encore de l’espoir pour l’entreprise de ne pas avoir à se défendre devant les tribunaux — ce qui n’aurait probablement pas été le cas si le Parti conservateur avait remporté la victoire.

Selon Maxim Sytchev, analyste attitré à SNC-Lavalin chez la Financière Banque Nationale, « considérant que le mécanisme d’un accord de réparation a été instauré par le gouvernement libéral, et que SNC-Lavalin continue son périple devant les tribunaux, il y a un certain espoir qu’un accord de réparation puisse encore être utilisé. Dans ce contexte, conserver le même parti au pouvoir, même minoritaire, est un facteur marginalement positif pour SNC-Lavalin par rapport à un autre scénario ».

De l’avis de Chris Murray, analyste chez Altacorp Capital, il est possible que la performance du Bloc québécois, qui a fait élire 32 députés, puisse faire en sorte qu’un nombre accru de députés aux Communes soient favorables à un coup de pouce judiciaire à la multinationale d’origine québécoise.

Le professeur Karl Moore, du département de gestion de l’Université McGill, abonde dans son sens, estimant que le maintien d’un gouvernement libéral à Ottawa était « bon » pour SNC-Lavalin. « Je crois que les investisseurs perçoivent, non sans raison, que SNC-Lavalin pourrait être en meilleure posture que si les conservateurs avaient remporté les élections », selon M. Moore.

Mais pour Frederic Bastien, analyste chez Raymond James, cet apparent sursaut d’intérêt des investisseurs envers SNC-Lavalin demeure très prématuré, tant que l’état de ses affaires ne se sera pas clarifié.

Je ne vois aucune raison de demeurer intéressé [à SNC-Lavalin] jusqu’à ce qu’une meilleure visibilité soit offerte. Son plan de redressement n’est pas achevé. Et la trajectoire encore incertaine des résultats de ses activités d’ingénierie et des services à l’industrie nucléaire à faible risque sont des raisons de rester prudent.

Frederic Bastien, dans une note à ses clients-investisseurs

Accusée de fraude et de corruption pour des gestes qui auraient été commis en Libye entre 2001 et 2011, SNC-Lavalin pourrait être écartée des contrats fédéraux pour une période pouvant atteindre 10 ans si elle était reconnue coupable.

L’entreprise s’est retrouvée au cœur d’une tempête politique ayant ébranlé le gouvernement de Justin Trudeau en raison de pressions qui auraient été effectuées auprès de l’ex-procureure générale Jody Wilson-Raybould afin qu’elle négocie une entente à l’amiable avec l’entreprise.

Depuis un an, la valeur boursière de SNC-Lavalin a reculé de 60 % au fil de trois avertissements de résultats détériorés, d’une radiation considérable de la valeur d’actifs de sa division pétrolière et gazière, ainsi que de la perte d’un important contrat minier au Chili.

— Avec Reuters et La Presse canadienne