Le géant informatique IBM décrochait lundi à Wall Street après l'acquisition, pour un montant record de 34 milliards de dollars, du spécialiste du logiciel libre Red Hat, censé le replacer sur l'échiquier du très juteux marché de l'informatique dématérialisée (cloud).

Le titre IBM a perdu 4,13 % à 119,64 dollars tandis que Red Hat s'est envolé de 45,38 % à 169,63 dollars, restant néanmoins en dessous du prix de 190 dollars par action offert aux actionnaires.

Peu avant l'ouverture de la séance, Standard & Poor's (S&P) a annoncé avoir abaissé d'un cran, à « A », la note de solidité financière de « Big Blue », et l'a assortie d'une perspective « négative », ce qui indique qu'elle envisage de la dégrader encore dans les prochains mois.

L'agence de notation américaine explique sa décision par le fait que IBM va devoir s'endetter encore un peu plus pour financer l'opération.  Ce faisant, le groupe va suspendre les rachats de ses propres actions et, probablement, le versement de dividendes dans les deux années suivant la finalisation de la transaction « pour rembourser la dette et poursuivre sa stratégie d'acquisitions ».

Les partenaires actuels de Red Hat, qui sont en concurrence directe avec IBM, verraient en outre, selon Standard & Poor's, cette opération d'un mauvais oeil et pourraient décider de faire moins d'affaires avec le groupe, ce qui pourrait affecter la croissance des revenus.

S'imposer dans le «cloud» hybride

Néanmoins, « nous pensons que cette acquisition va aider IBM » sur le long terme car le groupe de Ginni Rometty va hériter d'une « solide » source de revenus générés par les abonnements aux logiciels libres (open source), relativise S&P.  

Moody's, l'autre grande agence de notation, a prévenu qu'elle envisageait d'abaisser également la note du groupe né il y a 107 ans.

Red Hat, créé en 1993 avant le lancement un an plus tard de sa fameuse version du système d'exploitation libre Linux, pourrait renforcer la position d'IBM dans le cloud « hybride » et lui permettre d'élargir l'éventail des services proposés, notamment dans ce secteur.

Le « cloud » hybride est la combinaison d'un prestataire de « cloud public » (tel qu'Amazon Web Services,  Google Cloud...) et d'une plate-forme de « cloud privé », destinée à être utilisée par une seule entreprise.  

Une entreprise peut donc basculer le maximum de données non-stratégiques vers le « cloud » public et faire des économies et conserver ses données sensibles dans le « cloud » privé, les deux infrastructures communiquant via une connexion cryptée en utilisant une technologie qui favorise la portabilité des données et des applications.

Red Hat, qui édite des logiciels libres et est le premier distributeur mondial du système d'exploitation GNU/Linux mis au point comme alternative aux logiciels de Microsoft, permet d'établir un pont entre le « cloud » privé et le « cloud » public.

En s'en emparant, IBM espère concurrencer Amazon, Alphabet (Google) et Microsoft dans le secteur à forte croissance du « cloud » ou informatique « en nuage », qui permet le stockage et la consultation à distance de données. C'est devenu un des segments des marchés de l'informatique à la plus forte croissance et aux marges les plus juteuses.

Cette acquisition est en ligne avec la stratégie de diversification du groupe, dont le chiffre d'affaires est en déclin depuis 2012, au-delà de ses activités classiques du matériel informatique, du logiciel et des services informatiques, en perte de vitesse.

Outre le « cloud », Mme Rometty pousse IBM vers l'intelligence artificielle et la cybersécurité.