Chaque lundi, La Presse Affaires invite un professionnel du secteur des placements à discuter de ses principales préoccupations concernant l'économie et les marchés financiers. Nos invités cette semaine : Tommy Nguyen, directeur des actions canadiennes, et Luc Gibelleau, gestionnaire de portefeuille sectoriel chez Desjardins Gestion internationale d'actifs. Ils gèrent un actif de 4,5 milliards en actions canadiennes.

Qu'est-ce qui préoccupe vos clients-investisseurs, ces temps-ci ?

Ces investisseurs sont très conscients que le marché boursier haussier est à un stade très avancé.

On sent une nervosité accrue sur les marchés financiers qui se font secouer par une succession d'événements : des menaces et des actions de guerre commerciale internationale, le fort repli des marchés boursiers des économies émergentes, la politique budgétaire en Italie qui inquiète dans la zone euro.

Et tout ça survient alors que les investisseurs se préoccupaient déjà des pressions inflationnistes dans l'économie américaine, de la remontée de taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine (Fed) et de l'aplanissement de la courbe de rendement dans le marché obligataire [souvent considéré comme un indicateur de fin de cycle économique vers la prochaine récession].

Jusqu'ici, les marchés boursiers ont plutôt bien résisté à ces multiples craintes. Mais le débat demeure bien en place quant à savoir si la fin du cycle boursier est imminente ou s'il pourrait encore s'allonger pour une certaine période.

Où vous situez-vous dans ce débat ?

Considérant l'impact des baisses d'impôt aux États-Unis et une reprise de l'inflation qui s'avère plus graduelle qu'anticipé en début d'année, nous sommes d'avis que les principaux marchés boursiers du monde industrialisé pourraient maintenir une tendance haussière modérée pour un certain temps.

À condition, toutefois, que les tensions actuelles au niveau des échanges commerciaux ne se traduisent pas en escalade de barrières tarifaires entre les principales économies du monde.

Comme beaucoup d'investisseurs, d'ailleurs, nous gardons un oeil attentif sur le suivi des tensions commerciales impliquant les États-Unis, tant envers la Chine que du côté de l'Union européenne et de l'ALENA [Accord de libre-échange nord-américain].

Quel sentiment envers la Bourse canadienne, votre spécialité chez Desjardins ?

D'abord, il faut souligner qu'à contre-courant des Bourses américaines et européennes, l'indice S&P/TSX de la Bourse canadienne a inscrit de nouveaux niveaux records récemment. Il s'inscrit même en hausse de 1,5 % environ depuis le début de l'année.

Certes, la Bourse canadienne avait longtemps tiré de l'arrière par rapport à ses vis-à-vis américains et européens. Mais un tel rattrapage est relativement typique de la Bourse canadienne à l'étape avancée d'un cycle de croissance économique, en raison de sa pondération plus élevée en secteurs cycliques comme l'énergie et les matériaux industriels.

Cela dit, à moins d'une aggravation des tensions commerciales internationales, qui assénerait un coup de frein à l'économie mondiale, nous pensons que la conjoncture envers la Bourse canadienne devrait demeurer avantageuse pour quelques trimestres encore.

À la mi-année 2018, notre attente de rendement de l'indice S&P/TSX pour l'année complète oscille encore entre 5 % et 8 %.

Des secteurs de prédilection ?

Pour l'essentiel, notre portefeuille d'actions canadiennes se compose de titres d'entreprises de grande capitalisation avec un certain équilibre de pondération entre les secteurs plus sensibles au cycle de l'économie - tels que l'énergie, les industries et les matériaux de base - et les secteurs plus défensifs en cas de détérioration de la conjoncture économique, tels que l'immobilier et les services publics.

Dans le secteur des matériaux de base, nous avons une nette préférence pour les actions d'entreprises dans le marché du cuivre. Ce métal industriel est le plus avantagé ces temps-ci, dans un contexte de cycle économique en stade avancé.

Dans notre autre secteur de prédilection, soit l'énergie, nous préférons les grandes entreprises pétrolières de type « intégrées » comme les Husky Oil et Imperial Oil (Esso).

Photo Chris Helgren, archives Reuters

L'indice S&P/TSX s'inscrit en hausse de 1,5 % environ depuis le début de l'année, notent Tommy Nguyen et Luc Gibelleau de Desjardins Gestion internationale d'actifs.

Dans l'actualité boursière cette semaine

RÉSULTATS TRIMESTRIELS

(échantillon d'entreprises en vue)

À la Bourse canadienne

• Mercredi : Corus Entertainment

• Jeudi : Empire Co. (supermarchés Sobeys/IGA), Shaw Communications

À la Bourse américaine

• Mercredi : General Mills (alimentation)

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Au Canada

• Vendredi : PIB de l'économie (premier trimestre 2018), sondage de perspectives de la Banque du Canada auprès des dirigeants d'entreprise et des prêteurs financiers

Aux États-Unis

• Jeudi : PIB de l'économie (premier trimestre 2018)

Sources : Thomson Reuters, billets d'économistes bancaires