Cela pousse comme de la mauvaise herbe. L'industrie légale de la marijuana thérapeutique ou ludique se décline en tellement d'entreprises que des fonds négociés en Bourse (FNB) entrent maintenant en jeu.

« Depuis que le Colorado et Washington ont légalisé en premier le pot à des fins récréatives en 2012, le nombre d'entreprises connexes a augmenté et avec cela, l'intérêt côté investissement pour cette industrie », commente Daniel Strauss, spécialiste des FNB à la Banque Nationale. Il dénombre « au moins une douzaine » de fonds privés axés sur le cannabis aux États-Unis et un au Canada, et bientôt chacun de ces marchés aura un FNB des plus verts à offrir aux investisseurs.

Flairant la bonne affaire, le manufacturier Horizon, qui détient plus d'un vingtième du marché canadien des FNB avec ses produits pointus, a déposé un prospectus préliminaire en vue de la mise en marché du fonds Marijuana médicale sciences de la vie et de son inscription prochaine à la cote de la Bourse de Toronto sous le symbole HMMJ. Le montant de l'émission n'est pas connu à cette étape-ci du processus, mais la barre est à 75 millions.

Le fonds spécialisé calque l'indice Solactive centré sur les actions et certificats d'entreprises canadiennes et américaines ayant des activités importantes dans l'industrie de la Marie-Jeanne. Il n'y a pas de couverture pour le risque de change, chaque placement est plafonné à 10 % du portefeuille et les frais de gestion sont établis à 0,75 %.

La recette

On retrouve pour l'instant dans l'indice 13 entreprises canadiennes et cinq américaines. Daniel Strauss anticipe déjà une faible liquidité et une grande volatilité pour l'indice du pot et le fonds qui lui est associé, puisque plusieurs de ces entreprises sont encore petites ou à un stade précoce de développement.

Les quatre principaux producteurs et commerçants de marijuana sur le marché boursier canadien sont Canopy Growth, dont le symbole boursier WEED annonce bien la marchandise à la Bourse TSX, Aurora Cannabis, un producteur de Vancouver, ainsi que Aphria, de Toronto, et OrganiGram Holdings, de Moncton, de jeunes pousses inscrites à la Bourse de croissance.

La valeur de l'action de Canopy a plus que triplé dans les six derniers mois. L'entreprise qui cultive notamment des plants dans une ancienne usine de chocolat Hershey - non loin du poste de police de Smith Falls - pèse maintenant près de 2 milliards de dollars à la cote. C'est davantage que tout le Groupe Jean Coutu. Cela, avec des revenus annuels de seulement 30 millions et sans le moindre cent de bénéfice au compteur.

Le marché de la marijuana est estimé à plus de 10 milliards au Canada, qui planche toujours sur sa réglementation.

Au pays de Trump

L'initiative d'Horizons survient en même temps que le lancement du fonds Emerging AgroSphere par le groupe ETF Managers Group, aux États-Unis. Ce dernier FNB se veut plus global et inclusif. Il réplique l'indice international de BE Asset Management avec ses 69 titres, de partout dans le monde. On y retrouve notamment les quatre producteurs canadiens précités, mais dans une bien moins grande proportion. Le Groupe ETF Managers a aussi un fonds axé sur les whiskies, pour un mélange explosif.

Aux États-Unis, le tiers de la population américaine habite dans un État où il est déjà légal pour toute personne âgée de 21 ans ou plus de fumer un joint. Le porte-parole officiel de la Maison-Blanche, Sean Spicer, a toutefois jeté un froid sur le marché jeudi dernier en déclarant qu'on « allait voir un renforcement de la loi » concernant la consommation de drogue à des fins non médicales. Les producteurs ont pris une dégelée en Bourse, jusqu'à Canopy qui a chuté de 4,6 % vendredi avant de reprendre 5,8 % lundi.

La recommandation

Will Ashworth, chroniqueur du site de vulgarisation financière Motley Fools Canada, évoque trois raisons d'y penser à deux fois avant d'investir dans un FNB axé sur la marijuana. Selon lui, le Canada ne légalisera pas le pot récréatif avant 2018 ou 2019 et Washington ne le fera peut-être jamais. Deuxièmement, le FNB américain accorde trop peu d'importance au producteur canadien Canopy, le plus gros au monde, ce qui pourrait être une grande déception pour les investisseurs canadiens ; le fonds d'Horizons est nettement plus engagé. Enfin, les investisseurs sont davantage enclins à investir dans les gros fonds plutôt que les petits. « Il y a une grosse différence entre acheteurs et botteurs de pneus », note le « fou du roi ».

Infographie La Presse