Pour Wall Street, qui a fini la semaine sur un record, l'actualité va rester très politique lors des prochaines séances, dont une intervention de Donald Trump au Congrès, avec de grandes chances d'éclipser d'autres considérations comme les chiffres de l'emploi.

Lors des quatre dernières séances -lundi était férié aux États-Unis-, l'indice vedette Dow Jones Industrial Average a pris 0,96% à 20 821,76 points, un niveau sans précédent, et le Nasdaq, à dominante technologique, 0,12% à 5845,31 points. L'indice élargi S&P 500 a gagné 0,69% à 2367,34 points, un record.

Les fluctuations ont été limitées, mais, après plusieurs semaines d'envolée, les indices ne se sont pas éloignés de leur records: le Dow Jones a même réussi la performance d'en signer onze de suite, du jamais vu depuis 1987.

«D'un côté, la Bourse est à un niveau bien trop élevé depuis une semaine ou deux», a résumé Karl Haeling, de Landesbank Baden-Württemberg. «Mais de l'autre, elle est déjà restée bien plus longtemps à des niveaux trop élevés par le passé. Donc rien ne permet de dire quand elle va se replier.»

«Et on devrait rester dans cette fourchette jusqu'à ce que Donald Trump s'exprime mardi devant le Congrès», ce qu'il n'a pas encore fait depuis son arrivée à la Maison blanche fin janvier, a enchaîné M. Haeling. «C'est ce que les gens sont en train d'attendre.»

En l'état actuel des choses, la lune de miel n'est pas finie entre M. Trump et Wall Street, dont la dernière embellie en date correspond en gros au premier mois de présidence du républicain.

«Le discours de Trump, mardi, on sait ce qu'il va dire», a reconnu Gregori Volokhine, de Meeschaert Financial Services. «Mais c'est important pour les marchés, car à chaque fois qu'il parle de «baisses d'impôts phénoménales», la Bourse grimpe.»

M. Volokhine estimait au passage qu'il y avait une dichotomie de plus en plus marquée entre les discours enflammés de M. Trump, sur qui les investisseurs semblent compter pour baisser les impôts et plus largement lancer un vaste plan de relance budgétaire, et une certaine prudence de la part des membres de son gouvernement.

La Fed négligée



Pendant la semaine, le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, a adopté un ton plutôt mesuré lors d'un entretien très suivi, accordé à la chaîne CNBC, même s'il a donné un os à ronger aux marchés en disant vouloir faire adopter sa réforme fiscale dès août.

«Si l'on écoute Donald Trump, tout ira pour le mieux, la croissance repartira rapidement... Si on écoute Mnuchin, qui est sûrement plus proche de la réalité, les choses ne sont ni aussi simples ni aussi rapides», a commenté M. Volokhine.

Dans ce contexte, les indicateurs de la semaine prochaine risquent de passer au second plan. Les investisseurs n'ont pas semblé beaucoup réagir mercredi aux «minutes» de la dernière réunion de la Réserve fédérale (Fed), les marchés ne semblant toujours pas entièrement convaincus de la certitude d'une hausse des taux d'intérêt dès mars.

La principale statistique attendra vendredi prochain: les chiffres mensuels du gouvernement sur l'emploi américain, dont la tendance s'est révélée solide ces derniers mois.

«L'emploi, on sait tellement dans quelle direction il va...», a minimisé M. Volokhine. «On connaît l'emploi, on connaît l'inflation... Ce que l'on ne connait pas, c'est ce que les réformes peuvent apporter. Les investisseurs sont obligés d'investir avec un oeil très attentif à la politique. Autrement, ils investissent avec le regard dans le rétroviseur.»

«Qu'est ce qui pourrait écarter les marchés de la politique ?», a-t-il insisté. «C'est très difficile: pendant la dernière période des résultats, les entreprises ont dit qu'elles comptait sur la politique pour faire progresser leurs chiffres.»

Face aux valorisations élevées et à la rapidité du récent envol de la Bourse, certains observateurs se montrent donc de plus en plus inquiets sur l'effet de toute déception sur les indices.

Reste que «la Bourse ne s'inquiète pas tant du calendrier de la relance, elle veut juste qu'elle ait lieu», a conclu M. Haeling. «Et peut-être que c'est mieux pour elle que les réformes mettent longtemps: on peut garder le fantasme qu'elles seront idéales de bout en bout.»