La communauté financière était pourtant formelle : l'élection d'un président Trump allait provoquer une ruée vers l'or. Le résultat fut tout autre : la valeur refuge par excellence a fondu de plus de 4 % depuis cette fameuse soirée du 8 novembre.

La faute n'en revient cependant pas à la bouillante figure médiatique. Tournez plutôt les feux de la rampe en direction de Narendra Modi.

Ce même mardi, peu après 20 h, quand le monde entier avait le regard tourné vers les États-Unis, Modi, le premier ministre de l'Inde, annonçait à la télévision nationale que les anciens billets de 500 roupies et 1000 roupies, soit l'équivalent des 10 $ et 20 $ au Canada, n'avaient désormais plus cours et devaient être échangés à la banque contre de nouvelles coupures. D'un coup, 86 % de l'argent liquide en circulation dans le pays était démonétisé.

Officiellement, le leader nationaliste hindou veut mettre un terme à la corruption et à l'économie au noir. Au doigt mouillé, on estime qu'en Inde, neuf transactions sur dix sont payées comptant et échappent au fisc. Moins de 3 % des Indiens déclarent leurs revenus, selon des chiffres plus officiels.

Bling, bling

En démonétisant les plus grosses coupures en circulation, l'Inde, qui est le deuxième consommateur d'or au monde, a du coup enrayé le système parallèle d'épargne qui consistait pour les ménages indiens à accumuler les gros billets pour les échanger contre des pièces ou lingots d'or, si ce n'est des bijoux.

C'est notamment l'opinion de Nigam Arora, auteur de The Arora Report, selon qui « Modi a tué la remontée de l'or ». La hausse du dollar américain et l'imminence d'une hausse des taux directeurs aux États-Unis ont enfoncé le pieu et contré la reprise technique du surlendemain.

« La méthode la plus courante pour blanchir l'argent sale au cours des 50 dernières années en Inde a été d'acheter de l'or avec de grosses coupures. La conversion de l'argent noir a été une source majeure de demande d'or physique », écrit le collaborateur du magazine Forbes et des sites MarketWatch et Seeking Alpha.

« Maintenant que les gros billets utilisés pour acheter de l'or sont sans valeur, la demande d'or physique va diminuer. »

De même, le service de recherche de la Deutsche Bank relève dans son plus récent bulletin quotidien que les mesures monétaires en Inde vont réduire la demande en or à moyen terme. L'association nationale des bijoutiers prévoit une baisse de 100 à 150 tonnes, l'an prochain, par rapport à la consommation annuelle moyenne de 800 tonnes, souligne-t-on.

La thèse indienne est aussi reprise dans une analyse de Sudheesh Nambiath, pour l'agence Thomson Reuters, qui note par ailleurs que l'or a moins d'éclat que les gadgets électroniques, pour la jeune génération.

« Toutefois, après ce choc, l'or devrait retrouver son statut de valeur refuge, beaucoup d'Indiens regrettant maintenant de ne pas avoir converti davantage en or leurs gains non comptabilisés, alors qu'une partie de leur trésor s'en va à l'égout », écrit-il.

La recommandation

Les fonds négociés en Bourse XGD, d'iShares, et ZGD, de la BMO, pistent tous deux l'indice Global Gold qui comprend les plus grands producteurs d'or du monde. La recette diffère cependant. Le premier pondère les titres suivant la capitalisation boursière. Il est donc davantage concentré dans les grosses aurifères, comme les canadiennes Barrick Gold et Newmont qui accaparent à elles seules plus du quart du portefeuille. Le second est équipondéré dans la mesure du possible. Les sociétés aurifères de moyenne importance, comme les québécoises Semafo et Osisko, prennent donc autant de place que les grosses dans le panier d'une trentaine de titres. Le ZGD a ainsi mieux performé avec un gain annualisé de 12,8 % depuis 2013 comparativement à 8,2 % pour le XGD. Ces deux produits sont toutefois à haut risque avec de fortes fluctuations annuelles.

Infographie La Presse