Prises à contre-pied par le vote en faveur d'un Brexit qu'elles n'avaient pas anticipé, les places boursières européennes ont terminé la séance en déroute vendredi, à l'exception notable de Londres, qui tirait son épingle du jeu.

Paradoxalement, l'indice londonien a moins souffert que ses équivalents du continent, terminant la séance sur une baisse de 3,15 %, car il compte nombre de multinationales qui, pour certaines, ont peu d'activité en Europe, tandis que Paris cédait 8,04 % et Francfort 6,82 %.

«Un bon nombre de valeurs du FTSE 100 ont fini la séance dans le vert, en majorité des groupes qui réalisent beaucoup de bénéfices à l'étranger et sont susceptibles de profiter d'un affaiblissement de la livre sterling», a expliqué Laith Khalaf, de Hargreaves Landsdown.

Avec la monnaie britannique, au plus bas depuis 1985, les marchés européens ont toutefois été les principales victimes de cette journée noire, subissant des chutes du même ordre de grandeur qu'au moment de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008.

Après s'être envolée au-dessus de 1,50 dollar au moment de la fermeture des bureaux de vote, la livre sterling est tombée à des niveaux inédits depuis 1985, jusqu'à 1,3229 dollar.

Vers 16 h 45 (22 h 45 à Paris), elle effaçait une partie de ses pertes face au dollar, à 1,3650 dollar pour une livre contre 1,4974 dollar jeudi soir.

Ailleurs en Europe, Madrid a chuté de 12,35 % et Milan de 12,48 %. Lisbonne a perdu pour sa part 6,99 %, Bruxelles 6,40 % et Amsterdam 5,70 %. La Bourse suisse a reculé quant à elle de 3,44 %. Par ailleurs, l'Eurostoxx 50 a reculé de 8,62 %.

«L'étendue du plongeon a été exacerbée par un marché totalement positionné dans la mauvaise direction, les investisseurs choisissant de faire confiance aux sondages, sans plus de prudence, en misant massivement sur un «Remain»», un maintien du Royaume-Uni dans l'UE, a expliqué Michael Hewson, un analyste de CMC Markets.

De son côté, la Bourse de New York a fortement baissé, le Dow Jones perdant 3,39 % et le Nasdaq 4,12 %, gagnée par l'inquiétude, mais épargnée par la panique.

«C'est clairement un très gros choc pour les marchés» et «pour le Royaume-Uni, c'est un séisme» dont les «implications vont indubitablement aller au-delà des frontières britanniques, avec un effet immédiat et potentiellement durable sur les échanges commerciaux et sur tous les actifs financiers», affirme à l'AFP Matthew Beesley, directeur actions internationales de la société de gestion britannique Henderson Global Investors.

Signe d'inquiétude, l'agence de notation Moody's a dit envisager vendredi d'abaisser la note du Royaume-Uni dans un avenir proche, révisant la perspective de stable à négative. Elle estime que s'amorce «une période prolongée d'incertitude» qui va avoir «des implications négatives sur les perspectives de croissance à moyen terme» de l'économie britannique.

Depuis le début de la campagne, les marchés redoutaient une sortie du Royaume-Uni aux conséquences potentiellement dévastatrices pour l'économie européenne et mondiale ainsi que pour le monde financier.

Le secteur bancaire a été le plus exposé au cours de cette journée avec Lloyds Banking Group (-21,00 %), mais aussi Banco Santander 19,89 %, BNP Paribas (-17,40 %), Crédit Agricole (-14,00 %) et Société Générale (-20,57 %). Deutsche Bank a perdu 14,13 %, Crédit Suisse 13,48 %, Morgan Stanley 10,15 %.

Parallèlement, les valeurs refuge comme le yen ou l'once d'or flambaient et les investisseurs se sont rués sur le marché obligataire. Le Bund allemand est repassé en zone négative et le taux d'emprunt à dix ans de la France et de la Grande-Bretagne ont touché en séance leur plus bas historique.

«La phase émotionnelle»

Face à ce séisme, les banques centrales étaient sur le pied de guerre pour tenter d'apaiser les craintes, avec un effet très limité sur les marchés à ce stade.

Concernée en premier chef par les répercussions du référendum, la Banque d'Angleterre (BoE) a indiqué qu'elle était prête à injecter 250 milliards de livres (326 milliards d'euros) de fonds additionnels. Dans la foulée, la Banque centrale européenne (BCE) s'est dite également «prête à fournir des liquidités supplémentaires».

La Réserve fédérale américaine s'est aussi montrée disposée à fournir des liquidités en dollars aux autres banques centrales pour faire face aux «pressions».

La Banque du Japon (BoJ) a fait des déclarations similaires, ce qui n'a pas empêché la Bourse de Tokyo de plonger de près de 8 % en clôture.

Certains gérants d'actifs, à l'instar du numéro un mondial, l'américain BlackRock, ont cherché vendredi à relativiser en voyant aussi dans ces mouvements des «opportunités».

«Aujourd'hui, le marché est dans la phase émotionnelle, car le vote va à l'encontre des prévisions et le score est sans appel», a dit à l'AFP Alain Zeitouni, directeur des gestions pour Russell Investments France, basé à Londres. Mais selon lui, «le choc est absorbable» et «nous n'assistons pas à des ventes de panique».

Reste que, comme le souligne Allianz Global Investors, si «on peut s'attendre à ce que le Royaume-Uni parvienne effectivement à établir de nouvelles relations commerciales avec l'UE et d'autres pays, ce processus prendra du temps». Dans l'intervalle, «les investisseurs doivent se préparer à traverser des zones de turbulences».