La concurrence grandissante, en particulier de marchés opaques, pousse les Bourses historiques à s'allier, comme l'illustre le rapprochement engagé entre Francfort et Londres, posant au passage la question de l'avenir d'Euronext et de la place parisienne.

En officialisant mardi des discussions pour une fusion «entre égaux», le London Stock Exchange (LSE) et Deutsche Börse ont rouvert les hostilités entre places boursières, régulièrement agitées ces dernières années par des tentatives de rachat, parfois avortées.

La concurrence fait rage entre les opérateurs qui se disputent des parts de marché à l'échelle mondiale et doivent s'adapter depuis des années à l'émergence de plateformes alternatives, plus ou moins réglementées, qui captent une grande part des volumes d'échanges.

Ils doivent également composer avec l'essor de la négociation à haute fréquence qui exacerbe cette concurrence, ainsi qu'avec les nouvelles réglementations issues des dernières crises.

Se regrouper devient quasiment un passage obligé afin d'augmenter les volumes d'activité et attirer toujours plus de sociétés cotées.

«Les places boursières se rémunèrent avec les transactions et les frais de cotation et veulent plus de volumes d'échanges pour obtenir plus de commissions», résume Jasper Lawler, analyste chez CMC Markets.

La fusion entre Francfort et Londres, si elle réussit, créerait ainsi «la plus grande place boursière du monde», avec une valorisation de 20 milliards de dollars, selon lui.

Ce mariage serait celui de la place de Londres, qui profite du rayonnement de la City tout en ayant comme filiale la Bourse de Milan, et de Francfort, la plus grande Bourse de la zone euro et l'un des poids lourds mondiaux dans les produits dérivés, secteur très rentable.

«Cette opération fait sens afin de créer un opérateur européen qui soit un contrepoids aux deux acteurs américains CME et ICE notamment sur la partie des dérivés qui est l'un des gros enjeux pour les années à venir», remarque Antoine Pertriaux, consultant chez Equinox-Cognizant.

Parer au Brexit

Les débats autour du Brexit ont également pu précipiter ce rapprochement.

Pour M. Pertriaux, «cette opération permettrait au LSE d'avoir un pied en zone euro et de pouvoir passer au-delà d'un possible Brexit sans freiner ses activités».

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les deux groupes tentent un rapprochement. Ils avaient essayé il y a dix ans, sans succès.

L'accord des autorités de la concurrence et des régulateurs de marché sera un enjeu de taille, notamment depuis la fusion ratée en 2012 entre l'opérateur transatlantique NYSE Euronext et Deutsche Börse.

Des questions se posent sur les chambres de compensation, qui assurent une fonction centrale en assurant la sécurité des transactions. Or, Londres et Francfort possèdent deux acteurs incontournables, à savoir respectivement LCH Clearnet et Clearstream.

La consolidation du secteur, notamment en Europe où le paysage est éclaté entre Euronext (Paris, Lisbonne, Amsterdam et Bruxelles), Zurich, Madrid, Londres et Francfort, est toutefois devenue nécessaire tant les défis sont nombreux.

Dans cette course à la taille critique, Euronext, qui chapeaute la Bourse de Paris, prend le risque d'être mis de côté.

Alliance Paris-Madrid?

Les ambitions sont pourtant grandes au sein de l'opérateur qui s'est introduit en Bourse en 2014, retrouvant son indépendance après de nombreuses années sous pavillon américain.

Son nouveau PDG, Stéphane Boujnah, qui doit dévoiler son plan stratégique au deuxième trimestre, n'a pas caché vouloir nouer des alliances.

De nombreux analystes estimaient même jusqu'à présent que le destin d'Euronext était de fusionner avec Deutsche Börse afin de créer un grand marché de la zone euro, projet qui serait compromis par l'alliance entre Londres et Francfort.

L'aspect potentiellement positif pour Euronext serait néanmoins de récupérer au passage des actifs que devront céder Londres ou Francfort, sous la pression des autorités de concurrence européennes.

Le projet de fusion «devrait générer d'autres initiatives de rapprochement assez rapides» et «ouvre d'autres perspectives pour Euronext», selon M. Petriaux, en évoquant une possible alliance avec la Bourse de Madrid qui ferait entrer à son tour l'opérateur de la Bourse de Paris dans la bataille.