Les deux femmes les plus puissantes du monde financier, Janet Yellen et Christine Lagarde, ont inauguré mercredi une nouvelle forme de conférence publique au sommet qui, tout en douceur, a quand même secoué les marchés.

À l'issue de cette conversation faussement impromptue, où en tête-à-tête la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) posait des questions à la patronne de la Réserve fédérale (Fed) et vice-versa, le Dow Jones a soudainement plongé dans le rouge. Et pour cause.

«La valorisation des marchés boursiers aujourd'hui est généralement assez haute», a lancé de façon presque anodine la présidente de la Fed Janet Yellen, dans un commentaire plutôt rare sur les marchés financiers de la part du responsable de la plus puissante banque centrale du monde.

«Il y a des dangers potentiels dans ce domaine», a-t-elle ajouté devant Christine Lagarde, qui opinait de la tête.

Wall Street, déjà déprimée par des indicateurs médiocres mercredi, a accusé le coup, l'indice vedette Dow Jones perdant presque un demi-point de pourcentage à la clôture. À un moment de la séance, le Dow Jones a même perdu jusqu'à 200 points avant de limiter les dégâts.

Même si plus d'une fois Mme Yellen a alerté les marchés sur les risques de «la course au rendement» provoquée entre autres par une politique monétaire aux taux résolument bas, il faut remonter à l'été dernier pour retrouver un jugement de la patronne de la Fed sur le marché boursier.

Un rappel de «l'exubérance irrationnelle»

Le 15 juillet, lors d'une audition au Congrès, bien plus solennelle, elle avait alors qualifié de «très exagérée» la valeur boursière de certaines entreprises liées aux réseaux sociaux et aux biotechnologies et ébranlé un instant Wall Street.

«Elle a eu son moment ''d'exubérance irrationnelle''», commentait sur la chaîne économique CNBC un gérant de portefeuille à Wall Street, se référant à la fameuse observation d'Alan Greenspan, président de la Fed en décembre 1996, qui avait qualifié l'engouement de Wall Street d'«irrationnel».

«Je trouve cela bien qu'elle mette un peu les choses en perspective», commentait James Cox, un responsable de la firme d'investissement Harris Financial Group.

Au cours de cet entretien public, organisé par l'Institute for New Economic Thinking Conference on Finance and Society, Christine Lagarde, armée de franchise, a pour sa part critiqué «les motivations de profit à court terme» du secteur financier. Citant Voltaire, Rousseau et même Aristote, elle a réclamé davantage d'éthique et de responsabilité individuelle.

La patronne du FMI a appelé à plus de mesure dans les rémunérations des dirigeants d'entreprises et des banquiers.

«Les incitations liées aux méthodes de compensation doivent changer pour que les récompenses ne soient plus liées à des actions à courte vue et à des prises de risques excessives», a-t-elle affirmé.

Elle a même assuré qu'inclure davantage de femmes dans les plus hauts échelons d'une entreprise pouvait contribuer à y développer un plus grand sens de l'éthique.

«Que serait-il arrivé si Lehman Brothers avait été Lehman Sisters ?», a-t-elle lancé, faisant allusion à la faillite de la banque d'affaires américaine qui a précipité la crise financière de 2008.