Il n'y a pas plus d'urgence d'acheter les actions des sociétés pétrolières en déroute que de faire le plein d'essence. Les bas prix du pétrole et les cours déprimés des producteurs sont apparemment là pour au moins quelques années.

«Comme nous l'avons conseillé aux investisseurs depuis la fin de l'été dernier, nous continuons de recommander une sous-pondération dans les titres d'énergie jusqu'à ce que les prix du brut se stabilisent. Nous ne croyons pas que les conditions actuelles sont propices à une stabilisation des prix à court terme, alors que le marché mondial du pétrole brut reste excédentaire», affirme Luc Vallée, stratège en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Le prix du pétrole a chuté de 35% depuis son sommet de la mi-juin. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a jeté de l'huile sur le feu, la semaine dernière, en abdiquant le rôle de régulateur qu'elle assumait depuis 40 ans. Plusieurs analystes envisagent un prix aussi bas que 60$US, «le fond du baril», si la situation perdure.

La chute de prix du brut a plombé l'ambiance à la Bourse de Toronto. Le secteur de l'énergie, qui était le plus profitable du S&P/TSX avec un gain de près de 25% de janvier à juin, alors que le prix du pétrole culminait, est le pire depuis le début du semestre, avec plus du tiers de sa valeur effacée.

La firme américaine Goldman Sachs a amputé à elle seule 1% à l'indice général S&P/TSX en liquidant pour 600 millions US de valeurs pétrolières, mais aussi bancaires, dans la dernière heure de la séance jeudi. Elle a notamment vendu massivement des actions de Canadian Natural Resources, d'Enbridge et de Suncor, selon une note de la Banque de Montréal.

Dividendes à risque

Les analystes, qui tablaient sur une hausse de 6,3% des profits du secteur pétrolier en 2015, il y a encore un mois, misent maintenant sur une baisse de 2,5% avec la stagnation de la demande mondiale, la situation de surplus dans l'ouest du continent et la politique de prix cassé de l'Arabie saoudite.

Les dividendes élevés des producteurs sont à risque. Canadian Oil Sands, de Calgary, a déjà annoncé une réduction de plus de la moitié de son dividende trimestriel qui rapportait près de 10% encore récemment. Les rendements élevés affichés par Baytex Energy (14,6%), Penn West Petroleum (14,7%) et Crescent Point Energy (9,3%) témoignent également du manque de confiance des investisseurs dans la viabilité de ces versements.

L'analyste Chris Cox, de Raymond James, s'inquiète surtout pour les sociétés pétrolières et gazières très endettées qui n'arriveront pas à joindre les deux bouts. Celles-ci, comme Penn West, Talisman Energy et Lightstream Resources, pourraient devoir chercher des «alternatives stratégiques», ce qui revient souvent à se mettre en vente.