L'euphorie qui a porté les valeurs «tech» en 2013 à Wall Street n'est plus qu'un lointain souvenir. Pour les investisseurs, la question est ouverte: est-ce une simple correction ou assiste-t-on à l'éclatement d'une nouvelle bulle internet?

Certains titres et sous-secteurs technologiques apparaissent survalorisés aux yeux du marché, même après les récents mouvements de chute de l'indice Nasdaq.

«Certaines sociétés ont des valorisations astronomiques» à la Bourse de New York, remarque Roger Kay, analyste chez Endpoint Technologies.

«C'est assez problématique car cela implique que certaines technologies se monnayent déjà à des milliards de dollars sans avoir fait leurs preuves», poursuit-il.

Facebook pèse quelque 150 milliards de dollars actuellement, après avoir déboursé des sommes astronomiques pour acquérir l'application WhatsApp (19 milliards de dollars) et le spécialiste de la réalité virtuelle Oculus VR (2 milliards de dollars).

Malgré un plongeon de près de 20 % de son titre dans les dernières semaines, la valeur du réseau social reste 50 % plus élevée que celle de Boeing. Facebook s'échange à 90 fois ses bénéfices, alors que le constructeur aéronautique cote seulement à 20 fois ses profits, un ratio jugé plus conventionnel.

L'action de Twitter a plongé de près de 40 % depuis son pic atteint l'an dernier, mais le réseau social se valorise tout de même à 25 milliards de dollars. Sans avoir jamais dégagé de bénéfice.

D'autres sociétés «tech» ont récemment montré leur appétit pour l'eldorado boursier: le site de commandes de repas GrubHub Seamless a levé 200 millions de dollars, pour une valorisation de 2,6 milliards de dollars, et King Digital Entertainment, l'éditeur du jeu Candy Crush, 500 millions de dollars pour une valorisation de plus de 5 milliards.

Il n'y a pas qu'à Wall Street que les valorisations sont faramineuses. L'application de messagerie SnapChat aurait, selon la presse, rejeté une offre de 3 milliards de dollars de Facebook, alors que, dans le même secteur, Viber a été vendu pour 900 millions de dollars au japonais Rakuten.

Ignorant la volatilité du secteur «tech», le site de microblogs Weibo, le «Twitter chinois», a fait des débuts éclatants jeudi à Wall Street, s'envolant de 19 %.

De la mousse, mais pas de bulle

Quelque 9,9 milliards de dollars ont été investis dans 880 levées de fonds au cours du premier trimestre 2014, un niveau jamais vu en plus d'une décennie, selon le blog spécialisé CB Insights.

«On nous pose très souvent cette question: +sommes-nous dans une bulle?+», révèle Anand Sanwal, cofondateur du blog. «Nous avons toujours répondu que ce n'est pas le cas et nous continuons à le croire. Ca mousse mais ça ne fait pas de bulle».

L'exubérance n'est pas la même partout, souligne Jay Ritter, de l'Université de Floride, différenciant la valorisation de groupes plus traditionnels comme Apple et Hewlett-Packard et celles de certaines start-ups.

«L'inquiétude se situe surtout du côté des réseaux sociaux», explique-t-il à l'AFP, en raison d'une dynamique propre au secteur où «le gagnant rafle toute la mise». Or, comme l'a démontré le cas du fabricant de téléphones BlackBerry, «ce n'est pas parce que vous êtes un acteur dominant d'un marché, que le créneau sur lequel vous vous êtes imposé sera toujours là», ajoute-t-il.

Pour Fred Wilson, du fonds d'investissements Union Square Ventures, la politique de l'argent facile aux Etats-Unis, avec des taux d'intérêts proches de zéro depuis 2008, a joué un rôle capital dans la frénésie du marché.

«Les investisseurs ont tellement soif de profit qu'ils n'hésitent pas à mettre la main à la poche pour miser sur des boîtes au fort potentiel de croissance», note-t-il.

«Certaines valorisations peuvent apparaître exagérées mais je pense que la plupart d'entre elles vont finalement parvenir à justifier leurs poids», affirme Lou Kerner, expert du Social Internet Fund.

Pour lui, le décrochage brutal de certains titres est «sain». «Quand l'exubérance se dissipe quelque peu, il est normal de voir une baisse des valeurs, c'est un signe que le marché fonctionne bien».