Le PDG de Bombardier, Pierre Beaudoin, répondra aux questions des analystes jeudi matin pour discuter des résultats financiers, de la CSeries et de la mise à jour des prévisions par la direction. Beaucoup d'investisseurs sont récemment devenus plus prudents au sujet de Bombardier. Le titre s'est fait bousculer en janvier et la valeur de l'action oscille entre 4 et 5$ depuis deux ans. Moins de 50% des analystes qui suivent le titre en recommandent l'achat. Nous avons demandé à quelques gestionnaires de portefeuille de se prononcer sur la valeur de Bombardier à titre d'investissement. Voici leurs commentaires.

Un secteur très concurrentiel

Ken Lester, gestionnaire de portefeuille chez Gestion d'actifs Lester et professeur auxiliaire à McGill

«Bombardier construisait toujours des motoneiges la dernière fois que nous avons eu des actions. Nous détenions alors une grande participation acquise dans le cadre du programme REA. Nous avons vendu lorsque le titre valait une vingtaine de dollars. Ce qui nous a fait peur, c'était la part de plus en plus grande des activités aéronautiques et le recours aux subventions gouvernementales pour tenter de concurrencer Airbus et Embraer. Parce qu'Airbus et Embraer sont de puissantes sociétés en France et au Brésil, elles profitent d'un traitement préférentiel. Bombardier reçoit une aide gouvernementale, mais celle-ci serait encore insuffisante pour niveler les chances. L'aéronautique est un secteur cyclique, et Bombardier doit aussi miser sur des gens fortunés qui achètent des jets privés. Il y a un grand marché secondaire. Bombardier doit composer avec la vente de ses propres avions par des gens riches en faillite. Pour la CSeries, Bay Street semble dire: «Attendons voir.» La division des transports [trains et métros] est peu excitante, et les marges de profit y sont très faibles. Ce secteur est peu intéressant, car hautement concurrentiel.»

Il faudra être patient

Stéphane Préfontaine, gestionnaire de portefeuille chez Préfontaine Capital

«Je préfère les entreprises à faible intensité de capital, moins cycliques et ayant peu de dettes. Mais la situation de Bombardier est intrigante comme investissement de redressement sur quelques années, puisque le prix semble bas. L'analyse consiste d'abord à estimer la valeur dans l'hypothèse où la CSeries connaîtrait de grandes difficultés. C'est nécessaire, même si c'est un scénario peu probable. Des analystes estiment une valeur de 4,25 à 4,75$ l'action aux secteurs ferroviaire et d'aviation d'affaires combinés, excluant les avions commerciaux, ce qui donnerait une protection à la baisse. J'estime faibles les probabilités d'échec de la CSeries parce que les clients ont intérêt à voir un troisième acteur d'importance prendre sa place. Ils laisseront à Bombardier la chance de peaufiner son appareil, même si c'est plus long que prévu. La question est de savoir si les liquidités seront suffisantes pour la phase de tests qui requerra plus d'investissements que prévu. Aussi, il est possible que les marges sur ces appareils ne soient pas élevées pour quelques années, pendant que le programme du CSeries progresse et que les clients prennent confiance. Il faudra donc être patient. Je ne suis pas prêt à prendre une position significative, mais je suis suffisamment intrigué pour continuer ma recherche.»

Un lourd passif

Carl Simard, président de Medici Gestion de portefeuille

«À 10 fois les profits, nombreux sont ceux qui pensent que c'est une aubaine. Mais même là, nous croyons que les risques n'en valent pas la chandelle. Bombardier a d'énormes besoins en capitaux. Ses investissements requis pour mettre ses produits au point ont gonflé son passif de presque 10 milliards en cinq ans. Son passif à 15 fois son avoir propre constitue un ratio d'endettement très élevé. La situation pourrait fort bien continuer à s'enliser de quelques milliards additionnels en cas de - probable - dépassement de coûts de la CSeries. Un autre facteur de risque important est lié à l'incertitude du succès commercial de la CSeries. Le carnet de commandes fermes de cet appareil demeure inférieur à 200 avions et l'atteinte de l'objectif initial de livrer 3000 appareils en 20 ans à compter de 2012 apparaît incertaine. Le prix de revient par avion de la CSeries risque de grimper en flèche, car les milliards du programme capitalisés à ce jour seront amortis sur un nombre plus restreint d'appareils vendus. Avec de tels risques d'endettement, commerciaux et technologiques, les actionnaires et les prêteurs sont en droit d'espérer un rendement d'au moins 11% par année (coût du capital moyen pondéré). Or, les résultats de Bombardier démontrent que sa rentabilité sur le capital est peu élevée, à environ 8%. Autrement dit, Bombardier n'est pas suffisamment rentable pour rémunérer ses pourvoyeurs de capital pour les risques qu'ils courent.»