Comme au début de chaque trimestre, La Presse reprend sa consultation avec quatre experts en répartition d'actifs. Nous leur demandons de formuler des recommandations pour faire fructifier ou pour protéger le capital d'un REER autogéré de 50 000$. Tout en expliquant les modifications qu'ils apportent à leur répartition, ils reviennent sur le troisième trimestre, marqué par les tergiversations de la Réserve fédérale américaine (Fed) sur le moment opportun de ralentir sa planche à billets.

> Les rendements de nos experts (PDF)

Pourquoi la Fed a-t-elle reporté le début du ralentissement de ses achats mensuels de 85 milliards US d'obligations du Trésor et de titres adossés à des créances hypothécaires?

Si vous répondez que l'économie américaine ne va pas aussi bien qu'elle le souhaiterait, alors la Bourse est-elle surévaluée ou a-t-elle plutôt encore du potentiel de croissance?

Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille chez Desjardins Marchés des capitaux, penche pour la seconde option. «Quand j'achète des actions américaines, j'achète la croissance mondiale, plaide-t-il. Or, le Japon et l'Europe vont un peu mieux.»

La fermeture du gouvernement américain, faute de budget adopté par le Congrès, va entraîner une correction boursière qui sera compensée par un rallye de fin d'année, assure-t-il.

À l'opposé, Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale, croit que la fermeture de Washington, si elle devait s'étirer, va entraver l'expansion qui était déjà faible (environ 1,5%) au troisième trimestre. «Cela va diminuer les bénéfices des entreprises, prédit-il. Or, les trois quarts de la progression du S&P 500 cette année s'expliquent par une augmentation des multiples plutôt que des profits.»

Il campe sur sa cible de 1650 points pour le maître indice à la fin de l'année. Ce dernier se situe maintenant à 1690 points.

François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital, s'inquiète lui aussi de l'impasse au Congrès qui, si elle devait persister, pourrait amener les États-Unis à ne pas honorer les intérêts sur leur dette de 16 700 milliards US.

Il faudra bien aussi en relever le plafond puisque le prochain budget se soldera par un déficit, qui représentera environ 4% de la taille de l'économie.

«Malgré tout, l'économie nord-américaine devrait mieux faire, prédit-il. De mauvaises surprises nous guettent toujours en Europe, en Espagne en particulier, et Angela Merkel veut continuer sa répression douce.»

Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, insiste sur un fait presque passé inaperçu à cause de la Fed. «Pour la première fois depuis plusieurs trimestres, le TSX a mieux fait que le S&P 500. La demande mondiale s'est améliorée en Chine et en Europe.»

Un rallye à venir

Cela dit, les signaux de la Fed découragent les marchés nord-américains qui seront à risque d'ici la fin de l'année, estime-t-il.

Quand la Fed a fermé le robinet par le passé, la réaction boursière initiale a été négative, suivie peu après d'un rallye. «Nous, on deviendrait alors acheteurs. C'est pour cela qu'on a augmenté notre encaisse.»

Stéfane Marion répartit son portefeuille avec la mise la plus élevée en revenus fixes, même si ce choix l'aura pénalisé au troisième trimestre. Il ne craint donc pas la remontée possible des taux d'intérêt, cauchemar des marchés obligataires. «Si le gouvernement américain est paralysé, les taux ne pourront pas remonter.»

M. Delisle n'est pas d'accord. Une fois amorcé le resserrement monétaire en fin d'année, les taux de 10 ans remonteront à 3%, jusqu'à 3,5% l'an prochain, estime-t-il.

M. Bourdon croit au potentiel de la Bourse canadienne, de ses titres énergétiques en particulier. Il parie que le pipeline nord-américain de Keystone sera avalisé, tout comme le renversement du flux de celui d'Enbridge, au Canada.

M. Doucet ne croit pas au potentiel des titres énergétiques, alors que les actions des banques sont déjà bien chères. «Le TSX a peu de potentiel», clame-t-il. L'amélioration de la situation en Europe l'amène cependant à augmenter de cinq points sa mise dans l'indice Europe Asie Extrême-Orient (EAEO) de Morgan Stanley.

M. Bourdon croit au contraire que le TSX n'a pas terminé son rattrapage. Les prix du pétrole ont augmenté, le marché immobilier se corrige doucement, ce qui ne fait pas de mal aux banques, tandis que la hausse des taux d'intérêt est bénéfique pour les compagnies d'assurances.

Nos quatre experts s'entendent sur un point: le ralentissement de la planche à billets américaine va continuer de faire fuir les capitaux des économies émergentes. Leur allocation d'actifs dans ce véhicule de placements reste faible.

Le poids des actions de MM. Bourdon et Marion demeure pratiquement inchangé, alors que MM. Doucet et Delisle réduisent le leur.