Le gouvernement Harper revient à la charge dans le dossier de la création d'une commission nationale des valeurs mobilières malgré l'opposition de certaines provinces, dont le Québec, et un jugement défavorable de la Cour suprême du Canada.

À la surprise générale, Ottawa et deux provinces, l'Ontario et la Colombie-Britannique, ont annoncé hier qu'ils s'associent pour créer un «organisme coopératif en matière de réglementation des valeurs mobilières» et invitent les autres provinces réfractaires à y adhérer.

Si tout va comme prévu, le nouvel organisme devrait voir le jour le 1er juillet 2015, ont indiqué le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, et ses homologues de l'Ontario, Charles Sousa, et de la Colombie-Britannique, Mike de Jong, après avoir signé une entente de principe à Ottawa.

Le Québec et l'Alberta s'opposent

Le Québec et l'Alberta ont rapidement réitéré hier leur opposition à une telle commission. Le gouvernement Marois a fait savoir qu'il n'hésitera pas à faire appel aux tribunaux pour bloquer ce projet qui, selon lui, empiétera sur les compétences des provinces. Le Nouveau Parti démocratique a également dénoncé la mesure annoncée par Ottawa, car il estime que le régime de passeport actuel fonctionne bien.

Mais le gouvernement fédéral et ses deux partenaires provinciaux estiment pouvoir contourner la question de la constitutionnalité de leur démarche en déléguant leurs pouvoirs respectifs au nouvel organisme, qui aura pignon sur rue à Toronto. D'où la décision d'utiliser le terme «coopératif» dans le titre du nouvel organisme, lequel sera dirigé par un conseil d'administration indépendant.

À terme, l'objectif est d'avoir une seule commission des valeurs mobilières au pays qui aurait la responsabilité de superviser les marchés financiers, au lieu d'avoir 13 différentes commissions comme c'est le cas actuellement.

«Je crois que c'est une entente historique. Cette question a été débattue au Canada pendant au moins 70 ans, sinon plus. Nous avons finalement réussi à accoucher de quelque chose. Grâce à cette entente, nous croyons que le Canada réussira à attirer plus d'investissements. Nos investisseurs jouiront d'une plus grande protection. Nous aurons plus de succès à combattre les crimes commis par les bandits à cravate. Et les risques systémiques seront plus faciles à gérer», a soutenu le ministre Jim Flaherty.

Au sujet des objections du Québec et de l'Alberta, le ministre s'est défendu de s'immiscer dans un champ de compétence des provinces. Il a rappelé au passage que la Cour suprême du Canada, dans son jugement rendu en décembre 2011, avait affirmé que le fédéral avait quand même un certain rôle à jouer pour contrer ce que le tribunal appelle les «risques systémiques».

«Nous continuons de respecter les compétences du gouvernement du Québec et des provinces. Cet accord vise à créer un système coopératif, pas fédéral ou provincial, mais coopératif», a-t-il dit.

L'Ontario enthousiaste

Son collègue de l'Ontario, Charles Sousa, a fait valoir qu'il est insensé que le Canada demeure l'un des rares pays du monde à ne pas avoir une commission nationale des valeurs mobilières.

«Cette entente a été faite de concert avec les provinces. Le gouvernement fédéral n'impose pas sa volonté. Ce sont les provinces, au moins la Colombie-Britannique et l'Ontario, qui travaillent ensemble [avec Ottawa]», a-t-il soutenu.

MM. Sousa et de Jong tenteront de convaincre leurs homologues des autres provinces des mérites de ce projet au cours d'une rencontre des ministres des Finances des provinces prévue à Québec lundi.

«J'espère que les autres provinces et le Québec verront cet accord comme une occasion de travailler ensemble. Pour la Colombie-Britannique, je crois qu'un accord comme ça est dans le meilleur intérêt de la province et du Canada», a dit M. de Jong en français.

Dans son jugement rendu en décembre 2011, la Cour suprême a décrété que la réglementation des valeurs mobilières relève de la compétence des provinces. Mais elle a aussi noté que rien n'empêchait le gouvernement fédéral et les provinces d'exercer «harmonieusement leurs pouvoirs respectifs quant aux valeurs mobilières, dans l'esprit du fédéralisme coopératif».

L'Association des banquiers canadiens a salué l'annonce d'hier tandis que la chambre de commerce du Montréal métropolitain a décrié la démarche.