Les places financières, et en particulier celles des pays émergents, se montraient euphoriques jeudi après la divine surprise provoquée par la Banque centrale américaine qui a décidé de continuer à inonder le marché de ses liquidités.

La Réserve fédérale (Fed) a annoncé mercredi après la clôture des marchés en Europe qu'elle maintenait ses rachats d'actifs à 85 milliards de dollars par mois, ainsi que son taux directeur proche de zéro.

Cette décision a surpris les investisseurs, puisque ces derniers tablaient en moyenne sur une réduction des injections de liquidités de l'ordre de 5 à 10 milliards de dollars.

En Asie en particulier, les économies en développement respiraient après avoir enregistré des départs massifs de capitaux pendant l'été, les investisseurs se dégageant des actifs les plus risqués de crainte que la Fed ne réduise son aide.

À la mi-journée, Jakarta prenait 4,64%, Bombay 2,73% et Bangkok 3%. La Bourse de Manille a clôturé en hausse de 2,81%.

Les Bourses des pays asiatiques développés s'affichaient elles aussi en hausse, mais moins marquée. A Tokyo, le Nikkei ne s'est adjugé que 1,8% en clôture, à 14 766,18 points.

Hong Kong a terminé en hausse de 1,67% à 23 502,51 points et Sydney de 1,10% à 5295,5 points.

Séoul, Shanghai et Taipei étaient fermées pour cause de jour férié.

Sur le marché des changes, le dollar a d'abord baissé face aux autres devises majeures, l'euro, le yen et la livre britannique. Une tendance qui devrait se confirmer dans les jours qui viennent car si la Fed continue de créer de la monnaie, cela en dilue la valeur.

Jeudi néanmoins, le billet vert remontait face à la devise nippone, à 98,39 yens, contre 98,06 yens mercredi.

La roupie indienne --qui bénéficie aussi d'un resserrement du crédit mis en place par la Banque centrale du pays pour endiguer sa chute-- grimpait face au dollar, à 61,73 roupies, alors qu'elle était descendue à 69 roupies pour un dollar début septembre.

Le dollar a enfin cédé du terrain face au won sud-coréen (1070 wons contre 1150 pendant l'été) et à la roupie indonésienne (11 092 roupies).

Même scénario pour la livre turque, particulièrement chahutée ces dernières semaines. Le dollar s'échangeait à 1,9430 livre jeudi matin, contre 1,9975 mercredi soir.

À l'ouverture, les marchés boursiers et obligataires européens ont eux aussi salué la décision de la Fed.

Le Dax allemand s'est ainsi offert un nouveau record à l'ouverture, prenant 1,15% à 8735,11 points, Londres a débuté en hausse de 1,23% et Paris de 0,94%, se rapprochant encore un peu plus de ses niveaux d'avant la faillite de Lehman Brothers.

Retour des capitaux

Par ailleurs, les taux d'emprunt en zone euro se détendaient franchement. Vers 10H25 (04H25 à Montréal), le taux à 10 ans de l'Allemagne, qui évolue en sens inverse de la demande, reculait à 1,890%. Il était de 2,000% mercredi à la clôture sur le marché secondaire où s'échange la dette déjà émise.

De même, le taux de la France baissait à 2,375% (contre 2,508%), celui de l'Espagne se détendait à 4,347% (contre 4,403%), tout comme celui de l'Italie à 4,300% (contre 4,399%).

Le taux à 10 ans des États-Unis évoluait quant à lui à 2,699% jeudi matin, alors qu'il atteignait encore 2,9% mercredi avant le communiqué de la Fed.

La perspective d'une baisse des achats d'actifs par la Fed avait récemment provoqué une remontée des taux à long terme aux États-Unis, incitant des investisseurs à retirer des fonds hors des pays émergents au risque de plomber leur monnaie et leur stabilité financière.

Aussi la décision de la Fed «pourrait-elle nourrir des attentes que les sorties de capitaux (des pays émergents) cessent ou s'inversent», a relevé Barclays Capital dans une note, citée par l'agence Dow Jones Newswires.

Le retour des capitaux serait «particulièrement bienvenu pour les marchés des devises et des taux dans les pays affichant de forts déficits des comptes courants», comme l'Inde et l'Indonésie, a estimé Barclays Capital.

«À très court terme, la grande prudence de la Fed à agir va soutenir les marchés actions, probablement aussi mettre sous pression les taux américains (gains à attendre plus limités), et redonner des couleurs aux actifs liés aux pays émergents», commentaient les analystes de CM-CIC dans une note.

Tranchant avec la bonne humeur ambiante, Ishaq Siddiqi, de chez ETX Capital, s'inquiétait lui du «coup porté à la crédibilité» du patron de la Fed Ben Bernanke qui, en déjouant les attentes et en «refusant d'envoyer un message fort au marché en le privant de sa drogue favorite», peut «faire croire à certains qu'il est aussi impuissant que nous tous quand il s'agit de mettre les Etats-Unis sur le chemin d'une croissance durable».

Pour l'analyste, «la dynamique derrière ce rebond des marchés n'est pas plus crédible que la réputation de la Fed aujourd'hui.»