Le 6 mai 1937, le Zeppelin Hindenburg, fierté aéronautique de l'Allemagne nazie, s'écrasa en feu aux États-Unis après avoir traversé l'Atlantique. L'accident mit fin à l'aventure des dirigeables, supplantés par les avions.

Le présage de Hindenburg réfère à des circonstances financières tout aussi rarissimes qui indiquent que le marché est déséquilibré et sans direction, signal d'un probable krach imminent.

L'alignement technique qui annonce le pire est revenu hanter les chartistes à six occasions depuis le début du mois à la Bourse de New York, la dernière occurrence remontant à mercredi. Ces jours-là, plus de 2,2% des actions atteignaient leur plus haut niveau annuel en cours de séance et tout autant touchaient leur plus bas cours annuel, signalant un marché déchiré entre optimistes et pessimistes. Comme prescrit également par la règle de Hindenburg, le nombre d'actions au sommet n'était pas plus de deux fois supérieur à celles au plancher et le Dow Jones surpassait sa moyenne mobile à 50 jours.

Depuis 1985, chaque krach de la Bourse de New York a suivi une configuration de Hindenburg. Ainsi, le décrochage de 38% du Dow Jones en 1987 avait été annoncé par le présage d'Hindenburgh, le 14 septembre de la même année. Avant le krach de 2007, le signal avait été donné à trois occasions, soit les 13, 21 et 22 juin.

Si tous les krachs ont été précédés d'un présage de Hindenburg, l'inverse n'est cependant pas forcément vrai. Par exemple, en août 2010, les rumeurs du premier relâchement quantitatif de la banque centrale américaine avaient invalidé le signal reçu et permis un rebond des marchés.

On a également pu constater une abondance de nouveaux haut et bas à la Bourse de Toronto, ces dernières semaines, démontrant beaucoup d'indécision sur l'orientation du marché au Canada également. Mardi dernier, parmi les 1539 titres du TSX, 33 (2,1%) touchaient de nouveaux sommets tandis que 36 (2,3%) établissaient de nouveaux prix planchers.

Docteur catastrophe

La logique derrière cet indicateur repose sur le fait que, dans des conditions dites normales, soit un nombre substantiel de valeurs atteignent leur cote la plus élevée sur l'année, soit un large nombre de valeurs atteignent leur cote la plus faible sur cette même période, mais pas les deux à la fois, explique-t-on sur Wikipédia.

Le gérant de portefeuilles suisse Marc Faber, surnommé «docteur catastrophe» à Wall Street pour ses prévisions toujours extrêmement pessimistes, est revenu à la charge en annonçant à l'émission Futures Now du réseau CNBC, il y a 11 jours, un krach de plus de 20% des marchés d'actions américains d'ici fin décembre.

Ses observations font écho à la configuration de Hindenburg. Cela veut dire, selon l'éditeur du rapport «Gloom, Boom&Doom» que le marché repose sur un nombre de titres très limité: «La seule manière pour que ce marché progresse est que les 10 ou 50 actions qui sont très fortes continuent de tirer le marché plus haut, avec une majorité des actions ayant en fait atteint leur pic.»

«En 1987, nous avions une reprise très puissante, mais aussi des bénéfices qui ne progressaient plus significativement, et le marché est devenu très suracheté, se souvient Marc Faber. Le rallye final jusqu'au 25 août s'était produit avec un nombre décroissant d'actions touchant des sommets de 52 semaines. En d'autres termes, la liste des nouveaux «plus hauts» se contractait, et nous avions eu plusieurs ruptures sur différentes actions.»

Nombre de stratèges boursiers ont rappelé ces derniers jours la bulle boursière qui précéda le grand plongeon de 1987. Ce 19 octobre, à la suite d'un déficit commercial important et d'un relèvement des taux directeurs de la Bundesbank, le Dow Jones perd 22,6% en une journée. Il s'agit du premier krach de l'ère informatique. Le S&P 500 a certes progressé de 18% cette année, mais le marché avait fait encore mieux en 1987 avec un gain de 30% jusqu'en août, avant le krach, alors que la croissance des bénéfices des entreprises commençait à marquer le pas. Depuis le 10 avril dernier, le S&P a battu 24 records. Le ralliement haussier séculaire (de 30 mois et plus) survenu entre le printemps 1982 et l'été 1987 avait repoussé le sommet boursier à 150 occasions.

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CINQ AUTRES RAISONS DE S'INQUIÉTER

Les taux d'intérêt font pression

Le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, est assis sur une poudrière. Une remontée trop brutale des taux longs conduirait à une rechute de l'économie américaine et créerait une crise des marchés boursiers qui ont montré leur fragilité ces derniers mois.

Les Bourses ont largement profité d'un contexte de taux d'intérêt extrêmement bas rendu possible par les quelque 7000 milliards US déversés dans le circuit ces dernières années par les banques centrales. La situation est appelée à changer. Lors de remontées marquées des taux d'intérêt, le rapport cours/bénéfices des sociétés du S&P 500 s'est généralement replié à 12,8 fois (16,0 actuellement).

Les attentes élevées

Faute d'option, les investisseurs, les spéculateurs et les fonds de pension ont pris d'assaut le marché boursier poussant à la hausse les multiples cours/bénéfices. «Alors que les bénéfices trimestriels étaient tout juste adéquats plutôt qu'exceptionnels, les marchés des actions ont continué à s'apprécier, l'argent affluant, commente Tobias Levkovich, chef stratégiste chez Citigroup. De toute évidence, des déceptions sont prévisibles; courir après les résultats paraît risqué dans la conjoncture actuelle et les investisseurs voudront s'éloigner des titres les plus volatils.»

La vogue des PAPE

Le marché des premiers appels publics à l'épargne (PAPE) est florissant. Au dernier trimestre, 44 nouveaux titres ont gagné la cote américaine, le plus gros contingent depuis... le quatrième trimestre de 2006. Ce n'est pas bon signe. «Quand les entreprises se pressent pour vendre leurs actions, cela signifie souvent que les titres boursiers sont non seulement à leur juste valeur, mais bien "surévalués"", écrivait lundi dernier le chroniqueur vétéran du magazine Barrons, Mark Hulbert, citant pour preuve une étude de l'Université Yale couvrant le marché boursier américain de 1929 à 2001.

Un plus grand risque qu'en 2007

Les prévisions des analystes sondés par la firme Value Line quant aux perspectives à long terme des 1700 principaux titres américains sont les plus décourageantes depuis... juillet 2007. Plus précisément, aujourd'hui comme il y a six ans, moins de 40% des titres mériteraient qu'on y investisse, selon le consensus. Une étude du Journal of Wealth Management a établi une forte corrélation entre cet indicateur et la réalité, quatre ans plus tard.

Après août vient septembre, puis...

Bientôt septembre. Pire que le mois des morts (novembre), mais moins angoissant qu'octobre (rappelez-vous 1929 et 1987), cela ramène aux investisseurs les souvenirs des krachs financiers de 2008 et 2001. En fait, le neuvième mois est le pire d'entre tous en termes de rendement boursier général, avec des pertes moyennes de 0,5%, ces 20 dernières années, selon le Stock Trader's Almanac.