Le projet d'une autre Bourse d'actions au Canada, qui est appuyé par des poids lourds comme la Banque Royale, le duo Investors/Mackenzie et les fonds CI, vise à «faire mieux» que le Groupe TMX (T.X) pour rehausser l'attrait des investisseurs.

«Il y a des problèmes de qualité à corriger sur la Bourse canadienne. Surtout avec l'impact néfaste des courtiers à haute fréquence, mais aussi les coûts de transactions et l'accès aux capitaux pour les PME», résume Jos Schmitt, président et chef de la direction d'Aequitas Innovations, la nouvelle entreprise derrière le projet de Bourse alternative.

Aequitas n'est encore qu'une PME boursière avec une dizaine d'employés à son siège social de Toronto. Mais elle a déjà de gros atouts en mains pour réaliser ses ambitions et défier peut-être la mainmise de TMX sur la Bourse canadienne.

Le retour de Jos Schmitt

À commencer par son président, Jos Schmitt. Il replonge dans l'entrepreneuriat boursier un an à peine après que sa réalisation précédente, la Bourse alternative Alpha, a été acquise pour 175 millions par TMX, à la suite de sa prise de contrôle par le consortium financier Maple.

En acquérant Alpha, TMX a mis la main de son principal concurrent à frais réduits qui était devenu un peu gênant, ayant accaparé presque 30% du volume d'actions au Canada en quelques années à peine.

Cet essor d'Alpha découlait aussi de ses actionnaires de premier plan, soit les filiales boursières des grandes banques canadiennes, des firmes de courtage indépendantes et des investisseurs institutionnels.

Ce groupe s'est effrité lors de l'épisode des projets de prise de contrôle de TMX, remporté l'an dernier par Maple pour 3,7 milliards de dollars.

Jos Schmitt a quitté Alpha peu après. Tout en sachant que de gros joueurs financiers méfiants envers l'ampleur de TMX, dont la Banque Royale, le Groupe Investors et les fonds CI, cherchaient un moyen de rehausser la concurrence boursière au Canada.

«Le projet de Bourse Aequitas ne vise pas à reproduire Alpha, qui était basée sur la concurrence des tarifs. Cette fois-ci, il s'agit de créer une Bourse gérée en fonction des investisseurs plus stables et axés sur le long terme, au lieu d'être trop influencée par les courtiers à haute fréquence [CHF]», explique M. Schmitt lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

Selon lui, l'impact des CHF est devenu un important facteur de volatilité à court terme, comme on l'a vu ces derniers jours. Cette volatilité serait rendue gênante pour les investisseurs institutionnels, mais aussi pour la perception de la Bourse parmi les particuliers investisseurs.

«Pour contrer l'impact des CHF, nous avons besoin d'une Bourse qui fonctionne davantage dans l'intérêt des investisseurs à long terme, qui favorise plus de liquidité et de profondeur avec les titres transigés», indique Daniel Garant, premier vice-président aux placements en marchés publics (Bourses) chez Investissements PSP.

Cette firme de Montréal, qui gère 65 milliards d'actif en caisses de retraite de fonctionnaires fédéraux, fait partie des partenaires initiaux d'Aequitas. On y retrouve aussi deux filiales (Investors et les fonds Mackenzie) de la Financière Power, un autre poids lourd financier dirigé de Montréal.

Selon Jos Schmitt, «avec Aequitas, nous voulons créer un marché qui soit plus discipliné envers les CHF un peu délinquants, mais que les Bourses traditionnelles comme TMX laissent faire parce qu'ils leur apportent du volume pour contrer la baisse de leurs revenus transactionnels».

Les dirigeants de TMX n'étaient pas disponibles pour commentaires hier, étant en mission d'affaires à Londres.

Mais pour Shubha Khan, analyste des services financiers à la Financière Banque Nationale, «TMX va sentir une certaine pression» avec l'ambition d'Aequitas de réduire la «distorsion du marché» attribuée aux CHF.

Après l'annonce d'hier, Aequitas entend solliciter un permis de «Bourse complète» auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. La CVMO serait la première régulatrice d'Aequitas, en coordination avec ses vis-à-vis comme l'Autorité des marchés financiers (AMF), pour les entreprises cotées et les investisseurs basés au Québec.

Après ce feu vert réglementaire, Aequitas souhaite démarrer sa Bourse dans un peu plus d'un an, vers la fin de 2014. Jos Schmitt estime qu'elle pourrait accaparer près de 20% du volume d'actions au Canada «en trois ou quatre ans».

En parallèle de cette ambition boursière, Aequitas et ses partenaires prévoient se doter d'un carrefour pour les investissements privés au capital de PME en croissance.

La forme de ce marché de capitaux privés est encore imprécise. Selon Jos Schmitt, ce marché vise à rétablir une meilleure «étape transitoire» pour les PME qui ont un potentiel boursier, mais qui n'y sont pas encore tout à fait prêtes.

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Groupe TMX

Siège social:Toronto

Statut:

84%

du volume du marché des actions au Canada

filiales d'actions: Bourse de Toronto, Bourse de croissance TSX, Bourse alternative Alpha)

Revenus annuels:

650 millions

environ, (trimestres complétés et estimations d'analystes)

Principaux actionnaires (maximum de 10%):

> Caisse de dépôt et placement du Québec | 176 milliards d'actif géré, dont 81 milliards en actions

> Teachers' | 157 milliards d'actif géré, dont 59 milliards en actions

> Banque Nationale | 104 milliards d'actif géré, incluant Fiera Capital

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Aequitas Innovations

Siège social: Toronto

Ambition: accaparer près de

20%

du volume d'actions au Canada après trois ans d'exploitation.

Investisseurs fondateurs:

> Banque Royale | 294 milliards d'actif géré par RBC Gestion mondiale d'actif

> Barclays Corporation | 200 milliards de livres [310 milliards CAN] en actif géré; fonds négociés en Bourse iPath au Canada

> Placements CI | fonds CI/Assante, 83 milliards d'actif géré

> Financière IGM | Groupe Investors/fonds Mackenzie, 125 milliards d'actif géré, filiale de la Financière Power de Montréal

> PSP Marchés publics | filiale d'Investissements PSP de Montréal, 65 milliards d'actif de caisses de retraite fédérales, dont 51% en Bourse

> ITG Canada | filiale du groupe américain de Bourses alternatives Investment Technology Group

Sources: Groupe TMX, OCRCVM, Bloomberg, Aequitas Innovations et ses fondateurs