Les entreprises québécoises en Bourse sont assez «matures» pour bien gérer et se défendre contre des offres d'achat hostiles sans une nouvelle réglementation particulière des autorités financières, estime Alain Lemaire, l'un des entrepreneurs québécois les plus renommés.

«Pourquoi les entreprises québécoises devraient-elles être protégées différemment qu'ailleurs au Canada? Je ne crois plus à ça. Nous sommes un peuple mieux aguerri en affaires et nous avons des entreprises maintenant matures pour bien agir devant une offre d'achat», a souligné le président du conseil de Cascades, hier, en marge d'une table ronde sur les entreprises à contrôle familial organisée par le Cercle canadien de Montréal.

Alain Lemaire y était accompagné de membres de familles d'affaires illustres de Montréal, dont Andrew Molson, vice-président du conseil de la brasserie Molson Coors, et Stephen Bronfman, président exécutif de la société d'investissement Claridge.

M. Lemaire a ainsi répondu à une question de La Presse Affaires concernant le projet des autorités boursières au Canada, dont l'Autorité des marchés financiers (AMF) au Québec, de modifier les règles imposées aux conseils d'administration d'entreprises inscrites en Bourse lorsqu'ils doivent considérer une offre d'achat non sollicitée, ou «OPA hostile», dans le jargon boursier.

Dans ce projet réglementaire, dont la consultation pancanadienne se terminera bientôt, l'AMF propose comme nouvelle mesure particulière aux entreprises québécoises que leurs administrateurs doivent considérer l'impact économique et social d'une OPA pour la société qu'ils dirigent. Cette responsabilité s'ajouterait à celle déjà prioritaire de veiller aux intérêts des actionnaires de l'entreprise.

Mais pour Alain Lemaire, qui contrôle avec ses deux frères une entreprise - Cascades - souvent sollicitée par des acquéreurs, une mesure spécifique aux entreprises québécoises à l'égard des OPA hostiles est carrément «dépassée» de nos jours.

«Une telle protection spéciale aurait été bonne dans les années 80, lorsqu'il fallait permettre à des entreprises québécoises de se démarquer dans leur marché et en Bourse, a indiqué M. Lemaire.

«Pour se prémunir contre une OPA hostile, les entreprises d'ici doivent d'abord miser sur leur compétitivité et leur capacité de prospérer. Si une entreprise a des problèmes de compétitivité, ce ne sont pas de nouvelles règles de l'AMF qui peuvent régler ça.»

Actions à votes multiples

Par ailleurs, Alain Lemaire a indiqué que les entreprises québécoises en Bourse se distinguent déjà de leurs voisines canadiennes par leur usage plus fréquent des actions à votes multiples dans leur capital-actions.

Cet usage est le plus répandu dans les entreprises d'origine familiale, dont les dirigeants fondateurs ont pu ainsi conserver le contrôle des votes d'actionnaires malgré les émissions de nouvelles actions en Bourse.

«Le recours aux actions multivotantes fait déjà une bonne partie du travail de protection des entreprises québécoises envers les OPA hostiles. Pourvu qu'il n'y ait pas d'exagération, toutefois, quant au multiplicateur des votes par action», a indiqué M. Lemaire.