Bob Pisani en a vu d'autres. Journaliste financier depuis plus de 20 ans, il arpente tous les jours le parquet de la Bourse de New York en quête d'impressions et d'information de la bouche même des négociateurs.

Aujourd'hui, il dit percevoir chez eux un sentiment d'incrédulité qu'il n'a pas vu souvent. «C'est ridicule. Ça n'a aucun sens. C'est impossible à expliquer», lui disent ces négociateurs, faisant référence à la montée des marchés qui ne semble plus vouloir s'arrêter.

Mais pour lui, la situation est pourtant assez simple à expliquer. À son avis, plusieurs ingrédients d'un «stock squeeze» sont réunis. Un stock squeeze se définit comme une situation où la demande pour les actions excède largement l'offre. Ce qui, bien sûr, pousse les prix à la hausse.

Les cinq principaux ingrédients qu'il perçoit sont les suivants. L'injection massive de liquidités. La quête de rendement qui pousse les investisseurs vers les actions. Des profits déjà à un niveau record mais qui augmentent encore. Des rachats massifs par les sociétés de leurs propres actions, ce qui a pour effet de diminuer l'offre disponible. Et des achats non moins massifs d'obligations par la Réserve fédérale qui, là aussi, fait fondre l'offre d'obligations.

«Additionnez tous ces facteurs et vous voilà au beau milieu d'un stock squeeze», conclut Bob Pisani. Et celui-ci pourrait avoir du mordant, compte tenu qu'à 15 fois les bénéfices, l'indice S&P 500 n'est certainement pas surévalué en fonction de ce critère d'évaluation très prisé par les stratèges et les gestionnaires.

Pas de marché baissier à l'horizon

David Darst, stratège en chef chez Morgan Stanley, croit que la trajectoire actuelle de la Bourse américaine vers de nouveaux sommets va se poursuivre encore quelque temps.

Pour déterminer si la fin est proche, il se pose six questions. Est-ce que la Réserve fédérale est sur le point de resserrer sa politique monétaire? Est-ce que l'évaluation boursière est étirée? L'euphorie a-t-elle commencé à gagner les investisseurs? Est-ce que les écarts des taux des obligations de sociétés ont commencé à s'élargir comparativement à ceux des obligations gouvernementales? Est-ce qu'une récession pointe à l'horizon? Est-ce que les titres des secteurs du transport, des banques et des petites capitalisations ont commencé à se replier?

Pour l'instant, la réponse à toutes ces questions est non, conclut David Darst. Donc, pas de risque de se retrouver bientôt dans un marché baissier.

Pas de bulle, selon Krugman

Plusieurs investisseurs craignent que les Bourses soient en train de gonfler une fois de plus une bulle que nous sautera inévitablement en plein visage. Mais Paul Krugman, professeur d'économie à l'Université Princeton et Prix Nobel d'économie en 2008, n'est pas du tout de cet avis.

Dans sa chronique dans le New York Times vendredi dernier, il explique que nous sommes en présence d'une bulle lorsque les prix des actifs ont atteint des niveaux qui reflètent des anticipations si grandes qu'elles seront impossibles à réaliser. Par exemple, les compagnies dot.com en 2000 et les prix des maisons en 2006.

Bien que les indices S&P 500 et Dow Jones marquent des records, ils ne sont pas beaucoup plus élevés que les sommets atteints au début des années 2000, et à nouveau en 2007, note M. Krugman. «Mais aujourd'hui, les profits des corporations sont 2,5 fois plus élevés qu'à l'époque», dit-il.

Toujours selon lui, ceux qui parlent de bulle sont plutôt des gens qui n'aiment du tout Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale, et qui souhaitent que ses politiques expansionnistes échouent.