Une reprise est attendue en 2013 après une annus miserabilis pour les PAPE ou premiers appels publics l'épargne, dans le monde. De nouveaux visages venus des secteurs de l'immobilier, de l'industrie pétrolière, des infrastructures et de la santé sont attendus sur la scène boursière cette année, qui pourraient faire oublier celui honni de Facebook.

Le marché des PAPE a cassé après l'introduction ratée de l'ami Facebook en Bourse, en mai 2012. Très médiatisée, la vedette du net s'est écrasée au premier jour de son inscription sur le marché électronique NASDAQ. Le titre n'a jamais retrouvé son prix d'émission sans commune mesure avec ses flux financiers, mais plutôt en corrélation avec son trafic monstre.

Des oiseaux en colère

Plusieurs entreprises se sont désistées depuis, citant les «conditions du marché défavorables». En Finlande, l'éditeur Rovio a renoncé à son projet de porter en Bourse les agressifs mais non moins sympathiques Angry Birds (plus de 1 milliard de téléchargements en trois ans), en raison des déboires de Facebook. Les projets du gazouilleur Twitter s'en sont aussi trouvés contrecarrés.

Le ressac est allé bien au-delà des industries du virtuel. Des entreprises aussi variées que la chaîne de télé française CanalPlus, la chaîne américaine de restaurants Dave&Buster et le fabricant de guitares (déchaînées) Fender ont reporté leurs plans. Au total, il y a eu un tiers moins d'inscriptions et un quart moins de sommes levées sur les grandes places boursières en 2012.

La firme Ernst&Young, incluant des estimations pour le dernier mois, calcule environ 818 nouvelles entrées et 125 milliards US d'épargnes souscrites l'an dernier, comparativement à 1225 admissions pour 170 milliards US en 2011. Le millésime pourrait ainsi enregistrer les plus faibles volumes depuis 2008, d'après la firme Dealogic.

Les secteurs industriel, de la technologie et de la finance ont fait le plus de PAPE, malgré tout, l'an dernier.

L'Asie a été particulièrement active avec la privatisation de sociétés d'État, une tendance maintenant déclinante. La société People's Insurance of China a recueilli 3,1 milliards, la plus grosse émission à Honk Kong l'an dernier. Au Japon, Japan Airlines, vedette déchue en faillite en 2010, a levé près de 8,5 milliards en septembre, le deuxième plus gros appel à l'épargne dans le monde après Facebook.

Parallèlement, la crise de la dette et les craintes sur la survie même de la zone euro ont refroidi les ambitions boursières en Europe. Les levées dans la zone Europe-Afrique-Moyen-Orient accusaient un recul de 60% en décembre. Les plus gros PAPE (Megafon, 02, Direct Line, etc.) pèsent moins de 2 milliards chacun.

Chez nous, on retiendra surtout le retour en Bourse de la Compagnie de la Baie d'Hudson, plus vieille entreprise canadienne, à la suite de l'émission d'actions d'une valeur de 380 millions. La deuxième plus grosse levée au Canada a été réalisée par une entreprise sud-africaine. La société minière Ivanplats, du financier Robert Friedland, est entrée à la Bourse de Toronto à la suite d'un PAPE très attendue de 300 millions.

Reprise en vue

Selon Maria Pinelli, vice-présidente mondiale, Marchés de croissance stratégique, chez Ernst&Young, «la faiblesse de l'économie, l'instabilité des marchés financiers et la pauvre performance de certains PAPE ont incontestablement miné la confiance des investisseurs en 2012».

Celle-ci note cependant que les marchés se reconstruisent et que les épargnants reprennent confiance aux États-Unis avec la reprise du secteur immobilier et de l'embauche. En Europe, malgré la morosité ambiante, les émissions à succès récentes de Telefonica Deutschland Holding et Direct Life Insurance préparent le terrain à de nouvelles venues, au deuxième semestre. À Hong Kong, la liste d'attente compte 400 PAPE, selon la firme Skylar Origin.

«Les places boursières aux États-Unis, à Toronto, à Londres, Francfort et Moscou ont enregistré des hausses significatives au dernier trimestre, montrant que la régulation du marché des actions et les politiques accommodantes des banques centrales commencent à porter leurs fruits. Les marchés verront vraisemblablement d'abord de petites offres alors que les investisseurs retrouveront confiance», prédit Mme Pinelli, selon qui la reprise lancée aux États-Unis s'intensifiera au deuxième semestre.

Le secteur immobilier serait particulièrement à surveiller. Véritable icône, l'Empire State Building devrait faire son entrée à Wall Street dès le mois prochain, ce qui serait à coup sûr un signe de relance des PAPE aux États-Unis. La Securities and Exchange Commission a déjà donné son feu vert à l'opération présentée par la société foncière Malkin Properties, qui compte lever 1 milliard US sur le dos du célèbre gratte-ciel embrassé par King Kong. Plus près de nous, l'épicier Loblaw vient de créer un fonds de placement immobilier afin d'y transférer une partie importante de ses avoirs immobiliers, et qui fera par la suite l'objet d'une émission publique.

Gaz de schiste

Selon Maria Pinelli, les sociétés pétrolières et gazières aguicheront également les investisseurs en Europe comme aux États-Unis. En tous cas, ceux qui ne dédaignent pas le gaz de schiste. L'Agence internationale de l'énergie estime que les États-Unis dépasseront la Russie dans la production de gaz naturel d'ici 2015 et l'Arabie saoudite d'ici 2017. En Europe, la Grande-Bretagne, notamment, doit aussi bientôt s'y mettre. Le financement par appels publics à l'épargne des forages et de la fracturation est prévisible.

Du côté des infrastructures, l'exploitant de télécoms irakien, détenu majoritairement par Qatar Telecom (Qtel), a lancé hier un appel public à l'épargne de 1,3 milliard, ce qui s'annonce comme le plus important PAPE dans le Moyen-Orient depuis plus de quatre ans. Plus près de nous, les parcs d'attractions SeaWorld, d'Orlando, en Floride, seront bientôt cotés à la suite de l'émission de 100 millions US d'actions.

Dans le secteur de la santé, le géant pharmaceutique américain Pfizer projette notamment de céder au public le cinquième de sa division de produits de santé pour animaux. L'entreprise en restructuration a déjà vendu sa filiale alimentaire à Nestle pour 11 milliards US.