Si Mark Carney souhaite stimuler la Bourse canadienne en invitant les entreprises à ne pas laisser dormir leurs liquidités excédentaires et à les utiliser en versant des dividendes ou racheter de leurs propres actions, il pourrait bien réussir!

En effet, bien qu'il trouve surprenant de voir le gouverneur de la Banque du Canada dicter ainsi une politique de dividendes aux entreprises canadiennes, Viet Buu, président de CTI Capital, prend la chose très au sérieux.

«On vérifie présentement le bilan de toutes les compagnies canadiennes afin de déceler celles qui possèdent des liquidités excédentaires, et on va favoriser leur détention dans nos portefeuilles», dit-il.

Les banques centrales mettent tout en oeuvre pour stimuler l'économie. Encourager une politique de versement de dividende et de rachat d'actions, c'est en quelque sorte ajouter un stimulant provenant du secteur privé, selon M. Buu. La distribution de capitaux aux actionnaires aura un effet positif.

«Cet enrichissement des actionnaires les incitera à réinvestir sur les marchés, ce qui ne peut que favoriser la Bourse canadienne», dit-il.

Le rendement total

Si les entreprises cotées à la Bourse canadienne suivent la suggestion du gouverneur Carney, le marché s'en portera mieux, explique Claude Boulos, associé et gestionnaire de portefeuilles chez Selexia, une firme de gestion de Montréal.

C'est que plusieurs études ont démontré que les dividendes et les rachats d'actions ont un effet bénéfique sur le rendement total des investissements en actions. «Le marché reflète rarement la valeur de l'encaisse d'une compagnie», dit le gestionnaire. Ce n'est que lorsque cette encaisse est utilisée pour le versement d'un dividende ou pour le rachat d'actions qu'on retrouve la pleine valeur d'une action.

Chez Selexia, on affectionne particulièrement la discipline du dividende, confie M. Boulos. De fait, le dividende est un élément du budget d'une entreprise qui réduit les liquidités. L'entreprise n'a pas d'autres choix alors que de mettre l'accent sur les meilleurs projets d'investissement dont elle dispose. «S'il n'y a pas d'excès de capital, il n'y a pas de risque de le gaspiller», dit-il.

Augmenter les dividendes et les rachats d'actions va aider le marché boursier, car c'est ce qui attire actuellement les investisseurs. «Depuis la crise financière, les gestionnaires à travers la planète adoptent un positionnement plus conservateur et se tournent vers les titres à dividendes», dit M. Boulos.

Sécurité additionnelle

Les exemples de compagnies dont les actionnaires ont grandement bénéficié de l'instauration d'une politique de dividende sont nombreux. On n'a qu'à penser à Microsoft, et plus récemment à Apple.

Les banques centrales maintiennent les taux d'intérêt le plus bas possible afin de favoriser une plus grande prise de risque par les investisseurs. Mais le dividende entre les mains des investisseurs devient pour eux un élément de sécurité additionnel, explique John Goldsmith, gestionnaire d'un portefeuille de titres à dividendes chez Montrusco Bolton.

Théoriquement, la valeur d'une action est égale à la valeur présente des flux de trésorerie que générera la compagnie. Mais comme le taux de croissance économique mondiale diminue, ces flux de trésorerie ont tendance à baisser. Le dividende compensera cette baisse. «Nous appuyons entièrement la suggestion de Mark Carney», dit le gestionnaire.

Certains craignent toutefois les effets négatifs de l'incitation au versement de dividendes. «Nous recherchons les entreprises qui réalisent de bons profits et non pas celles qui versent de gros dividendes», dit Randall Kelly, chef de la direction de Formula Growth, un fond de couverture montréalais.

Pour lui, il est préférable de laisser la compagnie décider comment les bénéfices seront réinvestis plutôt que de remettre l'argent entre les mains de gens moins aptes à réinvestir les fonds. «Et c'est sans compter les impôts sur les dividendes que doivent verser les investisseurs», ajoute-t-il.

M. Kelly s'oppose à l'encouragement aux dividendes, car même si la pratique est à l'honneur plus que jamais à cause des bas taux d'intérêt, ce sont encore les compagnies aptes à réaliser le taux de croissance des bénéfices le plus élevé qui constituent les meilleurs investissements.