La gestion traditionnelle - celle qui consiste, une fois la répartition d'actifs établie, à conserver ses placements longtemps - a produit un rendement nul depuis cinq ans, note André Marsan. «Les investisseurs qui gèrent ainsi leurs portefeuilles vivent avec le sentiment d'être dans un bateau qui coule sans pouvoir s'en échapper», dit-il.

C'est pourquoi il faut se tourner vers d'autres solutions de gestion. André Marsan, qui a longtemps pratiqué une gestion traditionnelle et qui a fondé dans les années 80 la firme Montrusco, se tourne vers l'approche des hedge funds (fonds spéculatifs). «C'est qu'ils sont à l'avant-garde des marchés», dit-il. Parce qu'ils peuvent prendre des positions à découvert, les hedge funds arrivent mieux à gérer le risque. Ainsi, il est possible de réaliser des rendements positifs peu importe les conditions de marchés, selon lui.

Variables importantes

Mais peu importe l'approche, il est crucial de bien déterminer dans quelle étape du cycle économique nous nous trouvons, explique M. Marsan. Il en existe cinq. La phase de récession, suivie du creux, de la reprise, de l'expansion, et finalement le sommet.

Les différentes catégories d'actifs varient chacune à leur façon selon la phase du cycle. Par exemple, les actions vont baisser durant la récession, mais vont recommencer à monter un peu avant la fin de celle-ci, soit avant que l'économie n'atteigne vraiment le creux. Quant aux obligations, c'est lorsque la récession se pointe que le moment est le plus propice à l'achat, car les banques centrales s'empresseront alors de baisser les taux pour combattre le ralentissement.

Chez Hexavest, une firme de gestion de portefeuilles de Montréal qui s'est démarquée au cours des dernières années, une équipe de trois stratèges, en collaboration avec les gestionnaires des marchés de chaque région, établit le plan d'investissement en fonction de trois principaux vecteurs: l'environnement macroéconomique, l'évaluation des marchés et le sentiment des investisseurs.

Plusieurs indicateurs sont utilisés pour déterminer l'environnement macroéconomique. Parmi ceux-là, on retient entre autres l'évolution récente et les perspectives de croissance du PIB; le comportement des consommateurs, que l'on évalue grâce à leurs dépenses et à leur niveau de confiance, que reflètent les enquêtes mensuelles; et les indicateurs de production, à travers les indices manufacturiers, comme ceux de l'ISM (Institute for Supply Management), aux États-Unis.

Une fois l'environnement macroéconomique défini, on se penche sur l'évaluation. On mesure les prix des investissements en fonction des bénéfices, de la valeur comptable, des perspectives de croissance, mais toujours en tenant compte de l'environnement macroéconomique. «L'évaluation, c'est combien on paye pour les perspectives qu'offre l'environnement économique», résume Jean-René Adam, chef des placements adjoint chez Hexavest.

Le sentiment des investisseurs

Enfin, pour décider si le moment d'investir est opportun, on évalue le sentiment des investisseurs. «On cherche à savoir ce que la majorité des investisseurs pense et fait, parce que l'on aime être à contre-courant» dit M. Adam. C'est lorsque tous croient que les marchés n'offrent plus aucun espoir que les meilleures occasions se présentent, explique-t-il. Mars 2009 l'a démontré. C'est à ce moment, après que les Bourses eurent perdu la moitié de leur valeur, que le sentiment des investisseurs est devenu le plus négatif. On connaît la suite. Deux ans plus tard, l'indice phare de la Bourse de New York, le S&P 500, a doublé.

Le sentiment se mesure à partir d'indices, comme le niveau des ventes à découvert, et de nombreuses enquêtes réalisées auprès de gestionnaires de caisse de retraite, de hedge funds et de particuliers.

Où en sommes-nous actuellement? «L'environnement macroéconomique est horrible partout», répond le stratège d'Hexavest. Mais comme le ratio cours/bénéfices n'est que de 13, l'évaluation est raisonnable. «Quant au sentiment, force est de constater que les gens ne sont pas vraiment inquiets», ajoute-t-il. La hausse de 10% de l'indice S&P 500 depuis le début de l'année démontre clairement que les actifs risqués sont populaires. Un sentiment aussi positif doit inciter à la prudence, selon lui.

Un modèle pour se donnerdes pistes

Une autre dynamique qui change, c'est la rapidité avec laquelle l'information circule, explique Luc R. Fournier, gestionnaire de portefeuilles et stratège à l'Industrielle Alliance. Il est donc difficile d'en faire la synthèse et d'investir assez rapidement pour profiter des occasions. C'est pourquoi on doit se bâtir un modèle qui incorpore les principales données économiques et financières afin de pouvoir rapidement évaluer la situation. C'est l'approche quantitative.

Le modèle donnera des pistes, mais il ne suffira pas, car il y a aussi l'aspect qualitatif, selon M. Fournier. «On appelle cela l'expérience, et c'est ce qui démarque les investisseurs», dit-il

Les époques changent, mais les principes de base demeurent les mêmes. «Il faut acheter bas et vendre haut, tout simplement», dit-il. Mais où est le bas?

En matière de valorisation et de performance relative, le modèle quantitatif indique que le moment est favorable à l'achat d'actions. Le comportement des marchés le confirme. «Même dans le tumulte actuel, les Bourses sont en hausse depuis le début de l'année», rappelle le gestionnaire. Mais il admet que le facteur qualitatif a comme effet de le retenir pour le moment. «On danse au rythme des banques centrales. Qu'arrivera-t-il lorsqu'elles se retireront?», demande-t-il.