Les marchés financiers saluaient vendredi l'accord arraché dans la nuit de jeudi à vendredi au sommet de Bruxelles, qui devrait permettre de relâcher la pression sur l'Espagne et l'Italie, tout en restant prudents avant sa mise en oeuvre effective.

En Bourse et sur le marché de la dette, l'apaisement est de mise vendredi.

Les taux d'emprunt de l'Espagne, qui flirtaient jeudi avec les 7%, repassaient sous les 6,5% et les rendements italiens s'affichaient sous les 6%.

L'euro reprenait par ailleurs dela force face au dollar.

«Les dirigeants européens se sont enfin accordés sur des mécanismes qui peuvent soutenir les pays fragiles de la zone euro sur la durée, tout en maintenant la pression sur les finances publiques des États», se félicite René Defossez, économiste chez Natixis.

Mais, pour Christian Parisot chez Aurel BGC, «la bonne réaction des marchés vient surtout du fait que les investisseurs ne s'attendaient quasiment à rien lors du sommet au vu des divergences qui semblaient s'être creusées entre Paris et Berlin. Or il y a eu de réelles bonnes surprises».

La zone euro va mettre en place d'ici la fin de l'année un mécanisme permettant de recapitaliser directement les banques, sous certaines conditions, via le Fonds de secours de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Pour Gilles Moec, co-responsable de la recherche économique européenne chez Deutsche Bank, ce point est «primordial».

«On sépare enfin le risque souverain du risque bancaire. Une banque qui a besoin d'être recapitalisée n'affectera plus les comptes publics d'un État», explique-t-il.

L'union monétaire est également prête à faire un usage plus «souple» des fonds de secours européens afin qu'ils puissent acheter de la dette des États.

En théorie, ces mécanismes financiers peuvent déjà acheter de la dette souveraine directement lors d'une émission obligataire d'un pays ou sur le marché secondaire, là où s'échangent les titres déjà émis. Mais cette disposition n'a jamais été utilisée.

«Cela serait très étonnant que l'Europe accepte qu'ils interviennent directement sur le marché de la dette car cela reviendrait au final à mutualiser les dettes de la zone euro, ce que Berlin a toujours refusé catégoriquement», souligne M. Parisot.

Autre avancée pour les opérateurs: le statut de créancier préférentiel devrait être retiré au MES quand il apportera son soutien au secteur bancaire espagnol, qui va faire l'objet d'un plan d'aide européen.

Enfin, les marchés saluent le fait que l'Espagne et l'Italie ont finalement levé leurs réserves et donné leur accord à un pacte de croissance d'un montant de 120 milliards d'euros.

Alors que le sommet devait se terminer ce vendredi, de nombreuses incertitudes ne sont pas encore levées, s'inquiètent toutefois les analystes.

«Aucune précision n'est apportée sur le rôle exact de la Banque centrale européenne. Encore plus inquiétant, nous n'avons aucune précision sur la feuille de route vers une union budgétaire, renvoyée à plus tard», déplore M. Moëc.

Selon lui, «tant que l'on n'aura pas de détails sur le sujet, la défiance des opérateurs risque rapidement de redevenir importante».

Pour les stratégistes du Crédit Mutuel-CIC, «un autre point pourrait faire retomber rapidement l'optimisme»: le rôle que pourrait jouer la Cour constitutionnelle allemande.

Les députés allemands devaient se prononcer vendredi soir sur le pacte budgétaire et le MES.

Mais ce vote intervient sur fond de blocage juridique outre-Rhin où la Cour constitutionnelle a suspendu la ratification de ce pacte, souhaitant examiner plus en détails le texte.

Cet ajournement risque de retarder la mise en place du MES, initialement prévue début juillet.