La banque JPMorgan Chase a sacrifié lundi sa directrice des investissements Ina Drew, l'une des femmes les plus puissantes de Wall Street qui met fin à une carrière de trente ans quatre jours après la révélation d'une perte d'au moins 2 milliards de dollars dans le courtage.

La banque a annoncé par ailleurs la constitution d'une équipe de travail réunissant plusieurs cadres dirigeants afin de «tirer des enseignements et fixer les meilleures pratiques dans l'ensemble de la firme» à la suite de ces pertes.

«Ina Drew a été une partenaire formidable durant ses longues années dans la banque. Malgré nos pertes récentes, la vaste étendue des contributions d'Ina à notre entreprise ne doit pas être éclipsée par ces événements», a souligné le PDG de JPMorgan Chase Jamie Dimon, cité dans un communiqué.

Mme Drew, 55 ans, considérée comme l'une des femmes les plus puissantes de Wall Street, aurait selon le New York Times présenté plusieurs fois sa démission depuis l'émergence fin avril des pertes accumulées, mais M. Dimon aurait longtemps refusé de l'accepter.

Elle est remplacée par Matt Zames, qui était jusqu'à présent co-responsable au niveau mondial des obligations dans la banque d'investissement, et qui gardera sa responsabilité de responsable des marchés financiers dans la banque hypothécaire.

En outre l'ancien directeur financier Mike Cavanagh, qui a maintenant une fonction de trésorier, est chargé de diriger un groupe de travail ayant pour tâche de «superviser et coordonner la réaction de toute la banque» suite à ces pertes massives.

Selon la presse, la purge de la banque pourrait se poursuivre à Londres. Le Wall Street Journal avait évoqué dimanche la possibilité qu'Achilles Macris, responsable de la salle des marchés de Londres à l'origine des pertes, et un des membres de son équipe, Javier Martin-Artajo, soient également poussés vers la sortie.

De son côté, M. Dimon a tenu à rappeler que l'existence de JPMorgan, la plus grosse banque américaine, n'était pas menacée.

«Nous gardons un bilan en béton et un capital solide qui nous permettent de résister à des revers comme celui-là, nous tirerons des leçons de nos fautes et resterons concentrés sur nos clients qui comptent sur nous chaque jour», a-t-il conclu.

Cela n'empêchait pas la banque de perdre 1,70% à 36,33 dollars vers 17h30, épousant un mouvement baissier généralisé dans le secteur bancaire.

Chez Miller Tabak & Co, l'analyste Thomas Mitchell refusait de céder à la panique: «nous pensons que la perte dans le courtage est un événement isolé, et que la réaction de M. Dimon a été franche et décidée, le genre de réaction dont tout actionnaire ne peut que rêver vu les circonstances».

Les analystes de Sterne Agee en revanche estimaient que cet investissement avait de quoi inquiéter pour la santé de l'ensemble du secteur du courtage. «À notre avis, les risques s'accélèrent pour les maisons de courtage, notamment la possibilité de nouveaux sévères abaissements de note par Moody's, la poursuite des risques européens, l'accélération de la régulation et le durcissement de la position de la Fed vis-à-vis de la règle de Volcker (NDLR: censée limiter la prise de risque par les banques généralistes), ainsi que la probable diminution des recettes et de la rentabilité».

A la chaîne de télévision CNBC, un journaliste s'amusait à imaginer que M. Dimon, démocrate notoire, aurait été un «agent-double» au service de l'administration Obama, critiquant la règle de Vocker en public mais laissant éclater un scandale qui revient à la promouvoir.

De fait la Maison-Blanche n'a pas laissé passer l'occasion de défendre la nécessité de réformer Wall Street.

«Cet événement ne fait que souligner la raison pour laquelle il était si important de faire adopter la réforme de Wall Street, et pourquoi il est si important d'appliquer complètement» cette réforme, a déclaré le porte-parole du président américain Barack Obama, Jay Carney.