Les marchés hésitaient lundi au lendemain de la victoire de François Hollande à la présidentielle française, entre inquiétudes face à la poussée des partis extrémistes en Grèce et espoirs alors que la thématique de la croissance semble redevenue une priorité en Europe.

Après avoir ouvert en nette baisse, la majorité des places financières européennes ont effacé en grande partie ou totalement leurs pertes à la mi-journée. À 7h40 (heure de Montréal), la Bourse de Paris grignotait 0,18%, tout comme Milan et Madrid qui repassaient dans le vert, gagnant respectivement 0,79% et 0,88%. Seul Francfort baissait encore de 0,53%.

La monnaie unique européenne remontait nettement après avoir reculé à un plus bas en trois mois, s'échangeant à la même heure à 1,3029 dollar contre 1,3082 dollar vendredi soir.

«Les marchés sont très hésitants car la Bourse de Londres est fermée ce qui crée une certaine volatilité», souligne Frédéric Rozier, gérant d'actions chez Meeschaert Gestion privée.

Pour Alain Gaudry, analyste chez Deutsche Bank «les inquiétudes sont toujours là, mais elles se portent sur la Grèce et non par sur l'arrivée des socialistes au pouvoir» en France, largement anticipée.

Pour preuve, le taux d'emprunt de la France sur le marché obligataire, là où s'échangent les titres de dette déjà émis, reculait à 2,764% contre 2,818% vendredi.

Et l'agence d'évaluation financière Standard & Poor's, qui avait retiré en janvier à la France sa note maximale «AAA», a estimé que l'élection de M. Hollande n'avait pas «d'impact immédiat» sur la note du pays ou sa perspective d'évolution.

«M. Hollande ne devrait pas remettre en cause le traité européen sur la stabilité financière, mais plutôt y adjoindre un volet sur la croissance. Sur ce point, il n'est plus seul à souhaiter cela en Europe, ce qui a tendance à rassurer les investisseurs», explique Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis AM.

Longtemps réticente, Berlin a tendu la main dès dimanche soir au socialiste: la chancelière Angela Merkel l'a invité et son ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a promis de travailler à un pacte de croissance, l'une des principales revendications de M. Hollande pendant sa campagne électorale.

L'Allemagne a toutefois posé ses conditions au nouveau président élu, en excluant toute renégociation du pacte budgétaire européen et toute initiative de «croissance par les déficits».

Sur le fond, «le risque d'une grave rupture entre l'Allemagne et la France semble très réduit», juge néanmoins Holger Schmieding, de la banque Berenberg.

Pour les analystes de la National Australia Bank, «la victoire de Hollande n'est pas une surprise, mais cela prouve que les sortants appliquant l'austérité de l'Union européenne éprouvent des difficultés à se faire réélire».

Un scénario qui s'est vérifié en Grèce où la politique de rigueur menée depuis deux ans sous la pression des bailleurs de fonds internationaux du pays a été massivement censurée par les électeurs qui ont laminé les deux partis pro-européens tenants de la rigueur.

Sur les cendres du bipartisme à la grecque, les partis opposés à un accroissement de l'austérité ont raflé, de la gauche radicale aux néo-nazis, près de 60% des voix, selon des estimations.

«Les responsables européens qui se sont trompés sur les remèdes à appliquer au malade vont devoir gérer cela mais en attendant cela devrait amener beaucoup de volatilité sur les marchés», estime M. Waechter.

La remontée des incertitudes en Europe et les mauvais chiffres de l'emploi américain ont par ailleurs entraîné un recul des cours du pétrole brut: le baril de «light sweet crude» perdait 72 cents à 97,77 dollars dans les échanges de mi-journée en Asie, tandis que le Brent de la mer du Nord diminuait de 50 cents à 112,68 dollars.