Boudée par les investisseurs depuis le début de l'année, la Bourse canadienne aura besoin d'un élément catalyseur pour se relancer et rattraper le temps perdu. On pense aussitôt à la Chine. Mais est-ce en vain?

La Bourse canadienne est largement à la traîne des marchés mondiaux. En date du 9 avril, le rendement de l'indice S&P/TSX 60 avoisine à peine 1% depuis le début de l'année, ce qui le place au 21e rang des 23 indices bousiers de marchés développés.

Le rendement médian du groupe pour la période est de 7,1%. Plusieurs marchés, dont ceux des États-Unis, de l'Allemagne, de Hong Kong, et même celui du Japon, affichent des appréciations de plus de 10% depuis le début de l'année.

Conséquemment, les valorisations sont devenues fort intéressantes sur une base historique, révèle une compilation effectuée par la Financière Banque Nationale. L'indice lui-même et plusieurs de ses secteurs se négocient à des ratios cours/bénéfices bien inférieurs à leur moyenne des 10 dernières années. Le ratio de l'ensemble du marché est actuellement de 12,7, comparativement à une moyenne de 14,1. Le secteur des matériaux affiche un ratio cours/bénéfices de seulement 11,5 alors que sa moyenne des 10 dernières années est de 16. Même chose pour la consommation discrétionnaire dont le ratio n'est plus que 12,8 comparativement à sa moyenne de 15,8.

Doit-on se laisser séduire par ces valorisations attrayantes?

La composition de l'indice

La composition de la Bourse canadienne ne la favorise pas du tout actuellement, explique Jean-René Adam, assistant stratège chez Hexavest.

L'or, l'énergie et les matériaux de base représentent plus de 50% du marché boursier canadien. «Pendant que l'ensemble des marchés étaient à la hausse, la performance du secteur aurifère a été très mauvaise, ainsi que celle des secteurs des matériaux de base et des fertilisants qui devaient composer avec une diminution de la demande chinoise», dit M. Adam.

Quant à l'énergie, la chute du prix du gaz naturel qui semble sans fin affecte lourdement les producteurs canadiens. Pour ce qui du pétrole, même si le prix du WTI (West Texas Intermediate) se maintient au dessus de 100$US le baril en raison de la menace que fait planer sur les approvisionnements la situation en Iran, les producteurs canadiens en profitent peu, explique M. Adam. Les stocks sont abondants en Amérique du Nord et il y a engorgement au niveau du transport par pipeline. Les producteurs canadiens n'obtiennent pas le prix du WTI, mais plutôt un prix avoisinant 70$US.

Ne pas trop compter sur la Chine

Il est clair que la bonne tenue de l'économie mondiale, et surtout celle de la Chine, sera primordiale à la reprise boursière canadienne. Et à ce compte, les perspectives sont peu encourageantes.

Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour la Chine une croissance économique de 8,2% en 2012 et de 8,8% en 2013. Mais ces prévisions pourraient s'avérer trop optimistes, craint Marco Lettieri, économiste à la Financière Banque Nationale. «On s'attend à un ralentissement de la croissance en Chine», dit-il.

Le gouvernement chinois lui-même ne prévoit qu'une croissance de 7,5% en 2012. Notons que la croissance chinoise avait été de 9,2% en 2011 et de 10,3% en 2010, alors qu'elle était le moteur de la Bourse canadienne.

La Chine voudra relancer son économie lentement, croit Jean-René Adam. «L'accent sera mis plutôt sur le développement de la consommation que sur celui des infrastructures», dit-il.

Peu de soutien des banques

Alors que le contexte économique mondial risque peu de favoriser les secteurs des matériaux et de l'énergie, il ne faudra pas trop compter également sur les banques canadiennes pour soutenir la Bourse de Toronto. Le poids du secteur financier dans l'indice est d'environ de 30%.

«On craint pour les banques canadiennes», dit M. Adam. Le niveau d'endettement des consommateurs canadiens est maintenant très élevé et laisse peu de place à une croissance des prêts. «De plus, le secteur immobilier risque de reculer», dit le stratège d'Hexavest. Autant de raisons de croire que la Bourse canadienne demeurera à la traîne des autres Bourses.