La croyance que la Réserve fédérale américaine (Fed) interviendra au moindre signe de difficulté sera-t-elle suffisante pour contenir le recul boursier qui semble s'accélérer avec la fin du congé pascal?

Cette croyance est surnommée le «Bernanke put». L'expression vient du fait que lorsque les investisseurs veulent se protéger contre une baisse des marchés, ils achètent des options de vente (put option) sur les indices boursiers. Comme les options de vente, le président de la Fed, Ben Bernanke, est perçu comme étant là pour protéger les investisseurs en cas de baisse des marchés.

Après un trimestre record, l'indice S&P 500 a cédé près de 3% durant les cinq premières séances du mois d'avril. Le recul s'est accéléré hier en réaction aux chiffres de l'emploi aux États-Unis qui ont été publiés vendredi, au moment où les Bourses étaient fermées.

L'économie américaine, en excluant le secteur agricole, n'a créé que 120 000 emplois durant le mois de mars, ce qui marque un net ralentissement par rapport aux mois précédents. Les économistes prévoyaient 203 000 nouveaux emplois.

Au Canada, le recul boursier du début du mois d'avril est encore plus prononcé et approche 4%. L'indice phare du marché canadien, le S&P/TSX, a maintenant perdu presque tous les gains qu'il avait réalisés plus tôt cette année.

L'importance de la Fed pour les investisseurs demeure plus que jamais indéniable, comme en font foi ces propos de Marc Faber, éditeur de la réputée lettre financière Gloom, Boom and Doom.

Lors d'une entrevue sur CNBC dans le cadre d'une réunion d'investisseurs à Singapour, il a expliqué il y a quelques jours que les marchés risquaient de subir une sévère correction. «Les indicateurs techniques sont très négatifs depuis quelques semaines, dit-il. Le nombre de titres touchant de nouveaux sommets décline rapidement, les volumes de transactions sont anémiques et les ventes d'initiés atteignent un niveau record.» De plus, la baisse des titres dans des secteurs sensibles à l'économie, tels le secteur minier et celui de la production industrielle, est particulièrement inquiétante, selon lui.

Toutefois, en faisant probablement allusion à l'existence du «Bernanke put», M. Faber s'est empressé d'ajouter que de probables interventions de la Fed pourraient limiter la baisse du S&P 500. Le recul des marchés pourrait donc prendre fin rapidement si le «Bernanke put» est toujours bien présent dans l'esprit des investisseurs.

Les Bourses seront néanmoins hésitantes pour quelques mois à venir, croit François Dupuis, économiste en chef chez Desjardins. «N'oublions pas que le plein a été fait sur les marchés boursiers depuis quatre à cinq mois», dit-il.

Quant à la Fed, le défi demeure entier. La croissance économique est à peine satisfaisante malgré toutes les mesures stimulatrices, constate l'économiste de Desjardins. «S'il fallait retirer un tant soit peu de détente monétaire, on se retrouverait en pleine léthargie économique», dit-il. Le moment où les banques centrales commenceront à augmenter les taux d'intérêt est encore très loin.

Absence de consensus à la Fed

Par ailleurs, la Fed tente d'être de plus en plus transparente quant à ses prévisions et à ses décisions. Ce faisant, elle expose au grand jour ses dissensions.

Récemment, Ben Bernanke a exprimé des craintes quant à la faiblesse du marché du travail, et ce, même si les chiffres des mois précédents démontraient une croissance intéressante. Les observateurs y ont aussitôt vu une intention de sa part de lancer une troisième ronde d'assouplissement quantitatif (QE 3).

Mais à peine quelques jours plus tard, la publication des notes de la dernière réunion de la Fed, le 13 mars, nous a appris que seulement deux des dix membres du Federal Open Market Committee (FOMC), le groupe qui décide des actions de la Fed, envisageaient l'utilisation de mesures stimulatrices additionnelles.

Faut-il craindre cette absence de consensus? Pas vraiment, assure Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. «Plus on avance dans le cycle d'expansion monétaire, plus il est normal et sain que des dissensions apparaissent entre les membres du FOMC», dit-il.

Malgré ces dissensions, la Fed s'est engagée à maintenir les taux d'intérêt très bas jusqu'en 2014.