Un nouveau trimestre s'amorce, et les marchés boursiers reprennent là où ils avaient laissé. Le S&P 500 a ajouté 11 points hier pendant que le S&P/TSX bondissait de 115 points. Peut-on espérer répéter la performance du premier trimestre?

L'année boursière 2012 s'est amorcée sur une note d'optimisme modéré. L'Europe a trouvé quelques éléments de solution à sa crise, et les données économiques se sont soudainement améliorées, surtout aux États-Unis. Mais de là à ce que le marché monte jour après jour et connaisse son meilleur trimestre depuis 1998, peu de gens ne le croyaient.

C'est pourtant ce que les indices boursiers américains ont fait. Pour les trois premiers mois de l'année, le S&P 500 a gagné 12%, le Dow Jones 8,1% et le NASDAQ 18,7%%. Ce fut un peu moins brillant à la bourse canadienne. Le S&P/TSX n'a gagné que 3,7%. Les aurifères, les matériaux et le secteur de l'énergie ont pesé sur les marchés. Le secteur financier, surtout, a sauvé la mise.

Nous saurons la semaine prochaine, alors que commencera la ronde de publication des résultats, si les bénéfices des sociétés justifient cet élan boursier.

À ce chapitre, les informations fournies par les dirigeants d'entreprise sont inquiétantes, expliquent les stratèges de Brockhouse Cooper. Au cours des trois derniers mois, 462 entreprises aux États-Unis ont abaissé leurs prévisions de profits, tandis que seulement 181 les ont majorées. Ce ratio de 2,6 en faveur des indications négatives ne se voit généralement que durant les périodes de récession.

La croissance des profits inquiète le marché

Quant aux analystes, ils ont abaissé leurs prévisions de bénéfices au cours des derniers mois. Alors qu'ils prévoyaient en début d'année une croissance des bénéfices de 5,5%, voilà que cette prévision est maintenant réduite à 3,2%. Les analystes continuent d'augmenter leurs prévisions de ventes, mais pas celles des profits. «Nous avions été témoins d'un développement similaire au début de la dernière récession», ont écrit hier les stratèges de Brockhouse Cooper dans la note quotidienne expédiée à leurs clients.

Les dirigeants d'entreprise semblent donc moins optimistes que les marchés, probablement parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent plus compter sur les réductions de dépenses pour augmenter les profits. En conséquence, les Bourses pourraient être sous pression dès les prochaines semaines, selon Brockhouse Cooper.

Le deuxième trimestre comportera son lot de volatilité, croit également Marco Lettieri, économiste à la Financière Banque Nationale. «Les données économiques en Europe et en Chine pourraient faiblir», dit-il. Cela serait de mauvais augure pour le marché canadien, car les prix des matières premières faibliraient.

De plus, les investisseurs se remémoreront facilement qu'au cours des deux dernières années, l'arrivée du printemps a coïncidé avec le début d'une très mauvaise période boursière. L'incertitude quant aux élections en France et en Grèce pourrait causer beaucoup de volatilité, surtout si les difficultés financières de l'Espagne se retrouvaient en même temps à la une des médias, craint M. Lettieri. Cette volatilité sur la scène internationale se répercutera sur les marchés nord-américains.

Des Allemands trop conciliants

Après avoir maintenu durant l'automne la ligne dure quant à la manière d'affronter la crise des dettes souveraines, l'Allemagne semble maintenant avoir adopté une attitude beaucoup plus conciliante. Elle ne s'oppose plus à l'injection massive de liquidités par la BCE, et elle accepte un relèvement important des sommes disponibles aux fonds de stabilité.

Cette attitude, bien qu'elle ait rassuré les marchés boursiers dans un premier temps, pourrait maintenant les inquiéter, explique Ismaël Chiadmi, directeur de l'analyse quantitative chez Montrusco Bolton. «Les Allemands sentent la soupe chaude, probablement parce qu'une crise espagnole se profile à l'horizon», dit-il.

Le premier trimestre a bénéficié du règlement de la crise grecque, mais le deuxième pourrait bien être un trimestre de réajustement. Le problème de l'endettement demeure entier, selon M. Chiadmi. «Les programmes d'austérité, si rien n'est fait pour permettre de stimuler la croissance économique, sont des bombes à retardement, car ils ne règlent rien à long terme», dit-il.

À ceux qui ont profité pleinement de cette performance record des Bourses américaines au cours des derniers mois, faut-il rappeler que prendre un profit n'appauvrit jamais.