Désertés l'année dernière, les marchés émergents séduisent de nouveau les investisseurs grâce aux politiques très souples des banques centrales et au recul de l'inflation, mais le ralentissement de leurs économies et l'envolée du pétrole pourraient rapidement refroidir les ardeurs.

2011 a été une anus horribilis pour ces places financières. L'indice mesurant leurs performances boursières (MSCI Emerging Markets) a dégringolé de plus de 15% et les BRICS (Brésil, Russie, Chine et Inde) ont dévissé de plus de 20%.

Mais le vent a clairement tourné. Depuis le début de l'année, la Bourse de Moscou s'est envolée de 25,5%, celle de Sao Paulo de 18%, tandis que Shanghai a pris 11%.

Traumatisés par la crise de la dette en Europe et les craintes sur la croissance mondiale, les investisseurs avaient retiré 45 milliards de dollars des fonds investis dans les pays émergents en 2011, selon les données collectées par la banque suisse Pictet. En moins de deux mois et demi, ils en ont déjà replacés 25.

Première raison de ce retour en force, l'abondance de liquidités grâce aux politiques très souples des banques centrales américaine et européenne.

Outre-Atlantique, la Réserve fédérale américaine (FED) a assuré qu'elle maintiendrait son taux directeur à un niveau exceptionnellement bas jusqu'à fin 2014 au moins. La Banque centrale européenne (BCE) vient, pour sa part, au cours de deux opérations de refinancement à trois ans, d'injecter plus de 1.000 milliards d'euros dans le système financier de la zone euro.

«Ces marchés bénéficient aussi de la baisse des risques inflationnistes», relève François Théret, spécialiste des pays émergents chez Natixis AM.

L'Inde est ainsi parvenue, en menant entre mars 2010 et octobre 2011 une politique très active de resserrement monétaire, à enrayer son inflation galopante. Cette dernière a atteint en février son rythme le plus faible depuis plus de deux ans (6,5% contre près de 10% quelques mois plus tôt).

Pour Frédéric Rollin chez Pictet, «les risques systémiques sur une faillite ou une explosion de la zone euro ont quasiment disparu, entraînant un réel regain d'appétit des investisseurs pour les actifs des émergents encore considérés comme risqués».

Mais le ralentissement de la croissance économique des pays émergents pourrait, s'il se confirme dans la durée, refroidir les appétits.

La Chine, deuxième économie mondiale, a réduit à 7,5% au lieu de 8% son objectif de croissance, tandis que le Produit intérieur brut brésilien a fortement ralenti à 2,7% en 2011 contre 7,5% en 2010.

«Ces économies sont toujours affectées par la faiblesse du commerce mondial. Pour l'instant, la croissance des exportations du monde émergent ralentit toujours», note Maarten-Jan Bakkum, stratégiste chez ING IM.

«Un autre problème, en particulier pour la croissance asiatique, est la probabilité d'un euro plus faible», ajoute-t-elle, alors que l'Europe reste le principal partenaire commercial de l'Asie.

Chez Carmignac Gestion, on tempère ces craintes, en soulignant que «les fondements économiques restent bien plus solides qu'en Europe» actuellement en récession.

«La visibilité sur une croissance émergente, plus modeste que ces dernières années, mais solide et durable nous semble satisfaisante», souligne Didier Saint-Georges, économiste pour la société de gestion.

Un autre grain de sable pourrait effrayer les investisseurs: les cours du pétrole --qui se sont récemment envolés dans le sillage des tensions entre Téhéran et Israël-- pourraient notamment relancer les pressions inflationnistes à moyen terme.