La différence entre le rendement des actions et des obligations n'a jamais été aussi marquée. Cela doit-il inciter les investisseurs à s'éloigner des obligations et à concentrer leurs investissements dans les actions?

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Depuis 2009, les profits des sociétés qui composent le S&P 500 ont plus doublé. Si bien que le rendement des actions, que l'on mesure en divisant les profits par le prix des actions, atteint actuellement 7,1%. De l'autre côté, les obligations de 10 ans du gouvernement américain offrent un taux de 2%. C'est donc un écart de 5,1% qui est à la portée des investisseurs qui choisissent les actions au détriment des obligations.

Plusieurs gestionnaires ont décidé de profiter de cette situation. «Jamais les portefeuilles de la firme n'ont été autant surpondérés en actions», dit Neil Matheson, stratège chez Investissements Standard Life. À la firme depuis 1989, M. Matheson est membre du groupe des placements mondiaux qui détermine la répartition des actifs pour Standard Life à Édimbourg, au Royaume-Uni.

Le contexte a été favorable aux actions depuis quelques années. Les sociétés du S&P 500 ont réalisé un bénéfice de 96,58$ par action en 2011. Et on prévoit 104,28$ en 2012.

Pendant ce temps, les autorités monétaires ont abaissé les taux d'intérêt comme jamais auparavant pour contrer les effets de la crise financière de 2008. «Cela a eu comme effet de stimuler l'activité économique et favoriser les profits des sociétés, mais, en même temps, la rémunération de l'épargne a été réduite à sa plus simple expression», explique M. Matheson.

Cette situation va-t-elle perdurer encore quelques années? Probablement que oui, s'il n'en tient qu'à la Réserve fédérale (Fed). À sa dernière réunion en janvier, elle affirmait vouloir maintenir les taux d'intérêt très bas jusqu'en 2014.

Que font les caisses de retraite?

En dépit de cet attrait des actions, il n'est pas du tout certain que les gestionnaires de caisses de retraite vont leur faire de plus en plus de place dans leurs portefeuilles, et ainsi nourrir la hausse des marchés boursiers.

Contrairement aux gestionnaires qui ont un mandat tactique, chez qui on note une surpondération des actions face au poids de référence, plusieurs caisses de retraite font face à des vents contraires qui les empêchent de succomber à l'attrait actuel des actions, explique Claude Lockhead, associé principal chez Aon Hewitt. «C'est que le degré de solvabilité de nombreuses caisses de retraite s'est beaucoup détérioré, et que, par conséquent, celles-ci tendent à diminuer le risque de leurs portefeuilles», dit-il. Le degré de solvabilité de l'ensemble des caisses de retraite canadiennes est de 68%, un niveau inquiétant, selon lui.

Parce qu'elles sont sous-financées, les caisses de retraite doivent augmenter les cotisations et investir de façon prudente.

À titre d'exemple, M. Lockhead cite le cas de Ford. L'entreprise prévoit allouer cette année 3,8 milliards de dollars de liquidités aux fonds de retraite de ses employés comparativement à 1,1 milliard l'année dernière. Le sous-financement totalisait 15,4 milliards au 31 décembre 2011.

Toutefois, Ford annonçait en même temps son intention de rééquilibrer les investissements de ces fonds vers des valeurs obligataires à rendement fixe.

Les obligations de sociétés

L'enthousiasme pour les obligations de sociétés n'est pas aussi grand que pour les actions, note Pierre Lapointe, stratège chez Brockhouse Cooper. Les écarts avec les obligations des gouvernements demeurent généreux.

Le message que lancent les deux marchés est différent. «Les actions nous disent que tout va bien, mais les obligations des sociétés disent plutôt de ne pas trop s'emballer», dit M. Lapointe. Si les taux des obligations de sociétés tardent à baisser, c'est que la reprise économique n'est peut-être pas aussi bien amorcée que ce que laisse croire le marché boursier.

Comme le stratège de Brockhouse Cooper ne prévoit pas de récession en 2012, les sociétés devraient bien se porter financièrement et les taux de leurs obligations pourraient baisser. Par ailleurs, il craint que le rallye boursier tire à sa fin, car il constate que les analystes s'affairent actuellement à réviser à la baisse leurs prévisions de bénéfices. Dans ce contexte, ce sont peut-être les obligations de sociétés qui offrent le meilleur potentiel de gains devant les actions, et les obligations des gouvernements.