Bien qu'aucune société de technologie québécoise ne semble préparer une entrée en Bourse prochainement, le secteur profiterait grandement du succès de l'émission Facebook qui devrait s'effectuer au mois de mai.

C'est du moins ce que croit Shahir Guindi, associé et directeur chez Osler, Hoskin&Harcourt à Montréal. Les jeunes entreprises en technologie réussissent à se financer actuellement grâce à des investissements privés, dont plusieurs proviennent des États-Unis. Mais pour ce qui est d'entrer en Bourse, le marché leur est à peu près fermé depuis déjà un bon moment.

L'émission de Groupon aux États-Unis en novembre dernier n'a rien fait pour aider les choses. «Quelques semaines après l'émission publique, le titre est tombé en dessous du prix d'émission, ce qui a causé un certain inconfort à quiconque envisageait une IPO», dit M. Guindi. L'émission de Zynga en début d'année a connu le même sort.

Mais le dépôt du prospectus de Facebook semble avoir changé la donne. Autant Groupon que Zynga sont fortement à la hausse depuis que la rumeur de l'émission a commencé à circuler la semaine dernière. Les deux titres se négocient maintenant plus de 15% au-dessus de leur prix d'émission.

Le succès de l'émission de Facebook lancerait un gros message aux investisseurs, croit l'associé d'Osler, Hoskin&Harcourt. Les portes du financement public pourraient s'ouvrir aux entreprises québécoises. Pour elles, l'effet Facebook est d'autant plus important qu'à défaut de pouvoir lever des fonds publics, ces entreprises risqueront d'être vendues à bas prix à des groupes étrangers, craint M. Guindi.

Le succès est-il assuré?

Le dépôt d'un prospectus par Facebook auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) a permis d'en apprendre un peu plus sur l'entreprise et ses perspectives. Mais plusieurs interrogations demeurent. Mise-t-on sur une valorisation trop élevée? La croissance des bénéfices pourra-t-elle soutenir le prix du titre? La place dominante que se réserve le cofondateur de la compagnie plaira-t-elle aux investisseurs?

Le prospectus révèle que Facebook émettra pour 5 milliards d'actions. Ce n'est qu'au moment de l'émission que l'on connaîtra le prix unitaire de l'action, ce qui fixera la valorisation boursière. Le montant de l'émission pourrait être augmenté en fonction de la demande.

Pour l'instant, l'enthousiasme des investisseurs envers Facebook semble fébrile. Pas surprenant. Le développement de Facebook fait sensation avec ses 845 millions d'utilisateurs et des profits de 1 milliard sur des ventes de 3,7 milliards en 2011. De plus, depuis le 4 octobre, l'indice Nasdaq est en hausse de 25%. Le niveau de confiance des investisseurs culmine à nouveau. En sera-t-il de même dans trois mois?

Chose certaine, Facebook aura besoin d'une forte croissance de ses bénéfices au cours des prochaines années pour justifier la valorisation qu'on semble être prêt à lui accorder, explique Richard Guay, professeur de finances à l'UQAM, et ex-PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Facebook a réalisé des bénéfices de 1 milliard en 2011. Lui accorder une valorisation de 100 milliards, comme le veulent les bruits qui circulent, signifierait que le titre se négocierait à 100 fois les bénéfices.

Pour acheter à un tel prix, il faut croire que l'entreprise augmentera rapidement ses bénéfices, quelque chose comme 25% par année pendant plusieurs années, estime Richard Guay.

Par ailleurs, plusieurs se souviennent de Google. Émises à 85$ en 2004 alors que la compagnie faisait peu de profits, les actions de Google se négocient aujourd'hui à 584$, soit à 20 fois les bénéfices.

Mais il faut se méfier de cette comparaison entre Facebook et Google, croit M. Guay. Facebook est aujourd'hui beaucoup plus mature que ne l'était Google à son arrivée en Bourse. «Et plus une compagnie est mature, plus il est ardu d'atteindre un taux de croissance des bénéfices très élevé», dit-il.

Le prospectus révèle également que le cofondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, 27 ans, conserve la presque totalité de ses actions, ce qui lui confère un contrôle absolu de la compagnie. Cela plaira-t-il à Wall Street? La stratégie avouée de Zuckerberg de miser d'abord sur le développement de produits, estimant que les revenus suivront, l'a bien servi jusqu'à maintenant. «Mais il s'agit là d'un équilibre fragile», prévient Richard Guay.